L’écosystème de la R&D des Smart grids

Contenu mis à jour le 05/12/2020

Cette section a été rédigée par

La Commission de régulation de l'énergie

Les acteurs de la R&D sont aussi nombreux que divers : établissements d’enseignement supérieur, grandes entreprises, centres de recherche, start-up, organismes de financement, institutions européennes, PME, pôles de compétitivité, etc. La réussite de la filière française des Smart grids passe par une nécessaire collaboration entre ces différents organismes.

1. Les pouvoirs publics

L’influence des pouvoirs publics, de l’échelon européen à l’échelon local, sur la R&D pour le développement des réseaux intelligents est double :

  • décider des politiques publiques porteuses des grands objectifs en matière énergétique ;
  • soutenir et accompagner les projets pertinents.

L’échelon européen

C’est en 2000 que la Commission européenne prend position pour la création d’un Espace Européen de la Recherche (EER, dit European Research Area ou ERA en anglais), qui se veut un « marché intérieur » européen de la recherche, de la science et de la technologie. Il faut ensuite attendre 2007 pour que la Commission relance ce projet dans un livre vert intitulé « L’espace européen de la recherche : nouvelles perspective ». L’idée est de promouvoir une meilleure coopération et coordination entre les différents acteurs de la recherche en Europe, alors que le dispositif de recherche européen apparaît très fragmenté. En 2012, la Commission définit six grandes priorités d’action en vue de réaliser l’EER, ce qui aboutit à l’adoption d’une feuille de route en 2015 détaillant les principaux travaux à mener pour chacune des six priorités de l’EER. Chaque Etat membre a ensuite proposé un plan d’action national relatif à la mise en place de l’EER.

En parallèle de cette réflexion institutionnelle, la Commission européenne a mis en place « Horizon 2020 », le programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation : il est l’instrument financier de l’UE en matière de R&D pour atteindre les objectifs fixés en matière d’efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables et de sécurité d’approvisionnement, notamment. Doté au total de 80 Md€ sur 7 ans (2014-2020), le programme « Horizon 2020 » a, notamment, consacré plus de 12 Md€ à l’innovation en matière d’énergie durable et de mobilité verte et intégrée. Ainsi, quatre appels à projets ERA-NET dédiés aux Smart grids ont été lancés, en 2015,2016, 2018 et 2019. En France, leur gestion est été confiée France à l’ADEME. Les projets retenus répondent à plusieurs défis : améliorer la flexibilité du système énergétique, renforcer la capacité du système électrique et encourager la participation des consommateurs, le tout en favorisant l’insertion des énergies de source renouvelables (EnR).

Dans le but d’encourager le partage de connaissances entre les différents projets lauréats du programme Horizon 2020, la Commission européenne a créé le programme « Bridge ». Cette initiative regroupe 36 démonstrateurs Smart grids, auxquels participent 452 organisations différentes pour un co-financement total via des fonds européens de 413 M€. Ces expérimentations portent sur un large éventail de thématiques relatives aux réseaux intelligents : le stockage de petite et de grande capacité, l’insertion des EnR dans les réseaux, les réseaux de chaleur etc.

Organisée en quatre groupes de travail, l’initiative Bridge a pour objectif de proposer une vision structurée des problèmes transversaux rencontrés dans les démonstrateurs Smart grids qui constituent un obstacle à l'innovation. Le partage continu des connaissances entre les porteurs de projets leur permet ainsi de formuler,  d’une manière consensuelle et hiérarchisée, des conclusions et des recommandations sur l'exploitation future des résultats des expérimentations menées.

Les projets Smart grids regroupés dans l’initiative Bridge (Source : Brochure Bridge Mai 2019)

Le cadre financier pluriannuel, qui fixera le budget de l’Union Européenne pour 7 ans de 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027, est en cours de négociation. Il est prévu que le programme « Horizon Europe » prenne la suite du programme « Horizon 2020 ». La proposition initiale de la Commission européenne dote « Horizon Europe » de 100 Md€ pour les sept années de la programmation.

L’échelon national

En 2010, l’Etat a créé le premier Programme des Investissements d’Avenir (PIA), doté de 35 Md€, avec pour objectif de favoriser l’investissement et l’innovation dans des secteurs clés, générateurs de croissance. Il a été suivi d’un deuxième programme de de 12 Md€ en 2013 et d’un troisième de 10 Md€ en 2017. La mise en œuvre de ces programmes successifs est pilotée par le Secrétariat général pour l’Investissement, service auprès du Premier ministre, qui s’appuie sur différents opérateurs dont l’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe). Sur les 57 Md€ attribués au PIA depuis 2010, 4 Md€ ont été confiés à l’ADEME. Ainsi, de nombreux démonstrateurs Smart grids ont bénéficié du financement de l’Ademe, via les PIA : Digisol, Smart ZAE, Nice Grid, Sogrid, Millener, Solenn, PRIDE etc.  Afin de capitaliser sur les résultats de ces expérimentations, l’ADEME a publié en 2016 un rapport sur les retour d’expérience des démonstrateurs des PIA. S’en est suivi un second rapport, publié en 2020.

Doté de 150 M€ dans le cadre la mise en œuvre des actions du PIA, le Fonds Ecotechnologies s’adresse lui aux PME françaises indépendantes de moins de 250 salariés, considérées comme innovantes dans les technologies vertes. Ce fond est géré par BPI France Investissements tandis que la gestion des Appels à manifestation d’intérêt (AMI) ou des appels à projets a été confiée à l’ADEME.

Dans le cadre du plan pour La Nouvelle France industrielle , une feuille de route sur les Réseaux électriques intelligents (REI) a été publiée le 24 janvier 2014. Elle définit dix actions à entreprendre pour tirer parti des opportunités que les Smart grids peuvent offrir à l’industrie française. En particulier, l’action 9 confie aux Instituts Carnot (cf. 2.2) la tâche de définir la stratégie de recherche et développement de la filière REI. C’est dans le cadre l’action 6 « Organiser un déploiement à grande échelle des réseaux électriques intelligents en France », que les démonstrateurs Smile (en régions Bretagne et Pays de la Loire), Flexgrid (en région PACA) et You & Grid (dans les Hauts-de-France) ont bénéficié d’importants financements publics.

2. La recherche publique

La recherche publique s’organise autour de deux grands acteurs : les centres de recherche et le monde universitaire. Dans les faits, les interactions entre ces deux acteurs sont constantes.

Dans le domaine des Smart grids, on trouve parmi les centres de recherche les plus à la pointe : le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l’Institut national de l’énergie solaire (INES), l’IFP  Énergies nouvelles (IFPEN), etc. Ces organismes sont particulièrement impliqués dans le développement de projets de réseaux intelligents.

Le réseau d’instituts Carnot désigne quant à lui des structures de recherche publiques ayant noué des partenariats avec les acteurs socio-économiques (grands groupes, PME, collectivités, etc) opportuns pour mener à bien leurs projets de recherche et développement. Créé en 2006, le label Carnot est un label d’excellence décerné par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Innovation à des établissements de recherche implantés en France, dans le but de favoriser la création de partenariats entre laboratoires publics et acteurs privés. Les 38 instituts disposant du label « Carnot » représentent 18 % des moyens humains de la recherche publique et 50 % des contrats de R&D externalisés par les entreprises à la recherche publique.

Les centres publics de recherche travaillent en étroite collaboration avec le monde universitaire. De nombreux établissements d’enseignement supérieur accueillent des écoles doctorales telles que l’école doctorale Énergie mécanique et matériaux de l’Université Poincaré à Nancy ou les écoles doctorales d’Ingénierie pour la santé, la cognition et l’environnement et de Mécanique énergétique de l’Université Joseph Fourier et de Grenoble INP à Grenoble.

3. La recherche privée

Les Smart grids trouvent leur application dans des domaines aussi divers que nombreux. C’est pourquoi les entreprises concernées par la R&D dans les réseaux intelligents appartiennent à des domaines d’activités variés : énergéticiens, industrie des télécommunications, industrie automobile, entreprises du génie électrique, industrie du bâtiment, gestionnaires de réseaux, etc.

Une grande partie des travaux de recherche et développement sur les réseaux intelligents sont menés par les grandes entreprises. Pour leur part, les gestionnaires de réseaux publics et transport et de distribution d’électricité, Enedis et RTE ont consacré respectivement en moyenne 56 M€ et 35 M€ par an entre 2017 et 2020 aux activités de recherche et développement.

4. La collaboration, maître-mot pour les Smart grids

La collaboration est bien souvent un enjeu essentiel pour la réussite d’un projet de R&D portant sur les réseaux intelligents. De nombreux organismes ont été créés avec la mission explicite d’encourager et d’organiser cette coopération entre acteurs privés ou publics, grands ou petits, industriels ou universitaires.

À ce titre, les pôles de compétitivité ont été créés par la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances : constitués par le « regroupement sur un même territoire d’entreprises, d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de recherche publics ou privés », ils ont vocation à « travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l’innovation ». À titre d’exemple, les pôles de compétitivité Capénergies (PACA, Corse, Guadeloupe, La Réunion et la Principauté de Monaco) et Tenerrdis (Rhône-Alpes, Drôme, Isère, Savoie et Haute-Savoie) accompagnent de nombreux projets de démonstrateurs Smart grids : GONTRAND, EnR’Stock, STECY, etc. Smart Grids France regroupe l’ensemble des pôles de compétitivité actifs dans le domaine de l’énergie et des technologies de l’information et de la communication.

La réussite de la filière Smart grids française passe aussi par une meilleure prise en compte des enjeux de formation aux problématiques des réseaux intelligents. C’est pourquoi la création de Smart campus est encouragée par les pouvoirs publics. À Saclay, Grenoble, Sophia Antipolis ou encore Lille, il s’agit de rapprocher les universités, les organismes de recherche et les écoles travaillant sur les réseaux de demain. Dans un autre registre, un cursus ingénieur Smart grid a été créé au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de La Roche-sur-Yon dans le cadre du démonstrateur Smart grid Vendée.

Smart Grid Vendée : optimiser la production et la consommation à l’échelle d’un département

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Des alliances nationales ou supranationales, réunissant divers acteurs du secteur, œuvrent également pour le succès des travaux de R&D. On peut citer l’Alliance européenne de la recherche énergétique (European Energy Research Alliance dite EERA) ou encore l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE).

Les acteurs de la R&D pour les réseaux intelligents (Source : CRE)

La R&D des gestionnaires de réseaux