Quatre démonstrateurs de villes intelligentes au Japon

Contenu mis à jour le 14/12/2020

Cette page a été rédigée par

la Commission de régulation de l'énergie.

En avril 2010, le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie a choisi quatre régions en qualité de démonstrateur à grande échelle : la grande métropole Yokohama, la ville provinciale Toyota, la ville nouvelle et scientifique Keihanna Science City (préfecture de Kyoto) et la ville industrielle Kitakyushu pour la « démonstration du système social et de l'énergie de nouvelle génération. Ces projets se sont étalés sur cinq ans de 2010 à 2014 et ont largement dépassé les objectifs fixés.

Quatre démonstrateurs de villes intelligentes japonaises (Source : Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie du Japon)

1. Yokohama, un modèle de ville intelligente

Avec une population de 3,7 millions d’habitants, la ville portuaire de Yokohama située à 30 km au sud de Tokyo est la deuxième plus grande ville du Japon. Le développement rapide de la ville pose des défis urbains significatifs, en matière d’utilisation de l’énergie, d’embouteillages, de pollution qui ont amené à une forte augmentation du volume des émissions de gaz à effet de serre. La ville de Yokohama s’est ainsi fixé l’objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 16 % en 2020, 24 % en 2030 et 80 % en 2050. Pour ce faire, la ville a lancé le projet Yokohama Smart City (YSCP), aujourd’hui devenue l’exemple en matière de ville intelligente dans le monde. Yokohama fait partie des quatre villes impliquées (Kitakyushu, Toyota et Keihanna) dans le projet smart city piloté par le Conseil de promotion de l'énergie nouvelle du Japon. Yokohama a été choisie comme l'une des villes écologiques et économiques en 2009 par la Banque mondiale.

Lancé en 2010 et pour cinq ans, ce projet de Smart community est l’un des projets les plus importants du Japon. Le projet s’est développé sur trois quartiers de Yokohama : le centre urbain Minato Mirai, la zone résidentielle Kohoku New Town et la zone industrielle Kanazawa Green Valley, ce qui représente une surface de 435 km2 pour plus de 420 000 habitants. Le projet implique 4 000 foyers, quatre immeubles de bureaux, trois bâtiments commerciaux et une grande usine.

La ville intelligente de Yokohama (Source : site officiel de la ville de Yokohama)

Ce projet phare repose sur l’introduction d’énergies renouvelables, la gestion de l’énergie des ménages, des bâtiments et des communautés locales et des systèmes de transport de prochaine génération. Il avait pour objet initial de développer un modèle de Smart city en faisant coopérer les citoyens, les entreprises privées (Accenture, Tokyo Gas, Toshiba, Nissan Motor, Panasonic, Meidensha, TEPCO, etc.) et la municipalité via différentes expérimentions à grande échelle sur la gestion de l’énergie et l’effacement. La gestion de l’énergie sur ce large périmètre est réalisée en faisant le lien grâce au Community Energy Management System (CEMS) entre les différents systèmes de gestion de l’énergie qui ont été introduits dans les maisons (Home Energy Management System – HEMS), dans les bureaux et locaux commerciaux (Building Energy Management System – BEMS) et dans les usines (Factory Energy Management System – FEMS), ainsi que des stations de recharge et des véhicules électriques. 4 000 HEMS ont été déployés dans les maisons pour économiser de l’électricité et réduire les émissions de CO2 grâce à la visualisation des usages de l’électricité et une aide à la gestion active de la demande.

Au total 249 sites ont été équipés de panneaux solaires pour une production totale de 37 MW, une douzaine de sites en diverses énergies renouvelables (deux installations éoliennes, trois hydroélectrique, six biomasse). Si la ville disposait déjà d’un solide système de bus et de métro, 2 300 véhicules électriques et autant de stations de charge ont été déployés dans toute la ville. La mise en place d’un réseau électrique intelligent a permis de généraliser les capteurs et compteurs communicants tant pour les zones d’habitation que pour les zones commerciales ou industrielles. L’installation d’un compteur intelligent dans seulement 4 000 logements a permis de baisser la consommation d’énergie de 20% et une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre, de près de 30%.

Les résultats ont largement dépassé les objectifs initiaux.

Objectifs Résultats
Établir des programmes de flexibilité de la demande dans le secteur du bâtiment. Taux maximal d’effacement de 23%, et le taux de réalisation de la flexibilité de la demande était supérieur à 90%.
Procéder à un essai social HEMS dans toute la région de la ville de Yokohama. Les effets positifs de la tarification dynamique de l'électricité et les mesures de promotion HEMS ont été validées.
Emissions de dioxyde de carbone de 30 000 tCO² 39 000 tCO²
Réduction de dioxyde de carbone de 25% 29%
Taux maximal d’effacement (20%) Taux maximal d’effacement: 23% (pour les bâtiments)
Taux maximal d’effacement: 15,7% (pour les ménages)
Economies d’énergie de 17% 17%
Installation de panneaux solaires d’une capacité totale de 27MW 37MW
4000 HEMS installés dans les ménages 4230
2000 véhicules électriques déployés 2294

Aujourd’hui, la ville de Yokohama vise à être un modèle de ville intelligente dans le monde.

2. Kita-Kyushu Smart Community Project : de la ville symbole de la pollution industrielle à l’exemple de la ville verte

Située au nord de l’île de Kyushu, KitaKyushu est le plus grand port de l’île, positionnant la ville à un lieu économiquement stratégique. Elle se présente aujourd’hui comme la capitale de l’environnement et est reconnue sur la scène internationale comme le prouve l’inscription de la ville dans le programme « Green Cities » de l’OCDE. En juin 1990, elle reçoit un premier prix des Nations Unies l’élevant au titre de modèle de ville écologique. Il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, à la suite de la construction d’aciéries à Yawata en 1901, la ville de Kita-Kyushu est devenue le centre économique de l’industrie chimique et de l’industrie lourde japonaise. Dans les années 1960, la ville fut confrontée à de gros problèmes de pollution de l’air et de l’eau qui l’amenèrent à prendre différentes mesures pour répondre et prévenir ces problèmes de pollution.

Le projet de Smart community de Kita-Kyushu est implanté dans le quartier de Higashida dans la circonscription d’Yahata-Higashi. Le quartier réunit 1000 habitants pour une aire de 120 hectares. Le projet associe 77 groupes et entreprises et coûte plus de cent millions d’euros. La smart community de Kitakyushu repose principalement sur la mise en œuvre de systèmes de gestion de l’énergie et se focalise principalement sur l’hydrogène, les maisons étant reliées à une usine d’hydrogène par des pipelines. Ces maisons produisent de l'électricité en utilisant leurs propres piles à combustible, parfois stockée sous forme d'hydrogène. L’utilisation de telles innovations vise également à transformer les consommateurs d’électricité en consommateurs et producteurs («prosumers ») en installant des panneaux photovoltaïques et autres systèmes et à mettre en œuvre la gestion autonome de la demande afin que les particuliers et les entreprises du secteur privé utilisent l'énergie traditionnelle et l’introduction des programmes de tarification dynamique et d’incitation. L’EMS est le principal pilier de ce projet.

Le projet de ville intelligente de Kita-Kyushu (Source : NEDO)

Grâce à la construction de bâtiments écologiquement responsables et du développement de nouvelles sources d’énergie, ce quartier produit déjà 30 % d’émissions de CO2 de moins que les autres quartiers de la ville. L’objectif du projet de Kita-Kyushu est de réduire encore de 20 % les émissions de CO2 (pour dépasser les 50 % de baisse par rapport aux autres quartiers de la ville) en utilisant un CEMS et en mettant en œuvre des nouveaux systèmes de mobilité. Dans ce cadre, cinq mesures concrètes ont été mises en œuvre dans ce projet :

  • accroître le taux de pénétration des nouvelles ressources énergétiques, incluant la production photovoltaïque, les piles à combustible et la micro-production éolienne jusqu’à 10 % minimum ;
  • développer les HEMS et les BEMS qui peuvent être coordonnés par le CEMS, accroissant l’efficacité des économies d’énergie dans les habitations et dans différents types de bâtiments ;
  • établir un CEMS, qui fournit un contrôle avancé de l’énergie et optimise la distribution d’énergie totale, incluant les véhicules électriques, les batteries de stockage, etc. ;
  • en parallèle de l’installation des infrastructures de recharge pour faciliter l’introduction des véhicules électriques, construire de nouveaux systèmes de déplacement reliant les vélos et les transports publics ;
  • étendre ces nouveaux systèmes technologiques et modèles économiques émergents à d’autres expérimentations en Asie à travers le Centre bas carbone asiatique (Asia Low-carbon Center), puis dans le monde.

225 compteurs évolués ont été déployés ainsi que près de 800 kW de batteries de stockage, 400 kW de capacités de production photovoltaïque et 110 kW de piles à combustible. Partant du constant que les transports, le chauffage, l’éclairage et l’eau chaude sont responsables de près de 80% de l’empreinte carbonique d’un foyer, les pouvoirs publics encouragent à utiliser moins de systèmes polluants. L’achat de véhicules électriques est subventionné et les stations de recharges dans la ville se multiplient. D’autres initiatives se tournent, quant à elles, vers la rationalisation de l’usage de la batterie des véhicules. Celles-ci peuvent alors être utilisées de manière à alimenter une maison, selon le principe du vehicle-to-home. Au Nord de la ville, un parc énergétique « next generation » a vu le jour. Il associe gaz naturel, photovoltaïque, éolien et biomasse pour lutter à la fois quantitativement et qualitativement contre les émissions de CO2. La smart community de Kitakyūshū a pour objectif d’atteindre une réduction de 50 % des émissions de gaz carbonique et d’augmenter la part des énergies renouvelables à 10 % de la consommation d’énergie.

Objectifs Résultats
Participation citoyenne : installer des équipements efficaces et d’activités d'économie d'énergie afin de modifier les consommateurs réguliers en « prosumer »afin qu’ils contribuent à l'approvisionnement en énergie régionale. Les consommateurs ont adhéré à la gestion régionale de l’énergie, et les éco-tours et la divulgation d’informations ont permis aux citoyens de prendre conscience de leur consommation d’énergie.
Installation matérielle : pour construire un nouveau système d'énergie, notamment les systèmes de gestion d'énergie communautaires (CEMS), pour ces « prosumers » Données collectées et analysées via CEMS et installation des compteurs intelligents aux clients.
Système social et institution : mise en place d’un mécanisme offrant à la fois des avantages aux résidents et des systèmes énergétiques régionaux (en termes de visualisation des informations énergétiques locales et tarification dynamique) Le système de flexibilité de la demande basé sur les prix de l’électricité à la consommation a été examiné, ainsi que la mise en place d’un système de tarification approprié. Des analyses institutionnelles statistiquement significatives ont été effectuées à l'aide des données CEMS.
Réduction de dioxyde de carbone (50%) 51.50%
Economies d’énergie (20%) 40.50%
Taux maximal d’effacement (15%) 102.60%

Les résultats du projet de ville intelligente à Kitakyushu ont permis de développer d’autres projets : 

  • un modèle zéro carbone dans le district de Jono ; 
  • le déploiement d’un projet similaire à Kamaishi afin de réduire sa dépendance énergétique; 
  • un projet de cogénération de haute qualité en milieu industriel en Indonésie (Surabaya) ;
  • un projet de promotion d’un pôle énergétique régional pour un approvisionnement énergétique local stable et abordable, attirer les opportunités économiques (développement d'un hub de production d'énergie, développement des industries intelligentes et alimentation électrique de la ville).

3. Kyoto Keihanna Eco City

Le projet de ville intelligente porte sur trois municipalités au sud de la préfecture de Kyoto : Kyotanabe, Kizugawa City et Seika. S’étalant sur une surface de 77 370 km2, le projet Kyoto Keihanna Eco City concerne environ 173 300 habitants. Le projet est géré par un consortium de gouvernements locaux et une forte collaboration entre académiques, industriels, et civils.

La cité scientifique du Kansai est un lieu de concentration de nombreuses initiatives portées par les acteurs publics nationaux visant à promouvoir la recherche et l’innovation, les villes ayant été choisies à de nombreuses reprises comme terreau d’innovations (en avril 2002 comme cluster de savoir par le MEXT5, en 2008, lancement du « plan de promotion d’une éco-cité » et en décembre 2011 comme « Comprehensive Special Zone for International Competitiveness » par le gouvernement. La smart community de Kyoto Keihanna est en réalité une partie d’un projet plus vaste de l’éco-cité de Keihanna articulé autour de trois éléments :

  1. la construction d’infrastructures stratégiques pour la création d’une industrie environnementale, via des clusters industriels liés à l’environnement et la compétitivité de la région du Kansai, sur les cellules solaires, les batteries secondaires et les LED ; 
  2. la création et dissémination de “l’écologie” comme une nouvelle culture à travers la participation et la collaboration, à travers le développement de systèmes de transport nouvelle génération, la promotion d’un mode de vie favorable à l’environnement, des activités communautaires et une interaction à l’échelle internationale ;
  3. la ville intelligente de Kyoto Keihanna.
Le projet de ville intelligente de Keihanna (Source : NEDO)

Le projet étudie l’optimisation de la fourniture et de la demande d’énergie à une échelle globale afin de réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre sans affecter la qualité de vie ou le confort des habitants.

La réalisation de cet objectif implique le développement de différents systèmes : un CEMS pour une gestion complète de l’énergie dans la ville, un HEMS pour gérer l’offre et la demande d’énergie dans l’habitation (14 foyers), un BEMS pour gérer l’énergie dans les bâtiments tertiaires et industriels (un bâtiment concerné , le Keihanna Plaza), un système permettant de mettre à disposition les consommations d’énergie (100 foyers), un système permettant la gestion de la demande (700 foyers), un système intelligent de gestion de la recharge des véhicules électriques (60 véhicules) et des systèmes de « vehicle to grid », un large déploiement de compteurs intelligents pour les consommateurs individuels et commerciaux. Pour le système de pilotage de la recharge des véhicules électriques, le projet permettra de vérifier l’effet du déplacement de la pointe qui sera obtenu en modifiant le lieu et le moment de la recharge du véhicule électrique. Les systèmes de V2G permettront d’analyser l’utilisation des batteries de stockage en fonction de l’offre et de la demande des usines.

Le projet a débuté en 2011 pour assurer le rétablissement de conditions de vie normales après le tremblement de terre et se poursuit aujourd’hui en conditions normales.

Objectifs Résultats
En réponse au séisme et au tsunami de Tohoku en 2011, à déterminer comment faire face à la réponse à flexibilité de la demande en période de fourniture d'électricité limitée. La combinaison de la batterie locale avec la flexibilité de la demande a parfois eu un effet significatif sur le pic de coupe maximale.
Identifier la manière de gérer les excédents d’énergies renouvelables en période de forte augmentation des volumes d’énergies renouvelables, en particulier PV Il est confirmé que les véhicules électriques qui ne sont pas normalement chargés pendant la pendant la journée, constituent une ressource pour les surplus d’énergie renouvelable.
Identifier comment gérer la tarification dynamique en 30 minutes La combinaison de la flexibilité de la demande et du stockage batteries a été efficace
Réduction du dioxyde de carbone de 35% 35%
Taux maximal d’effacement (1-4PM, été 28%) 39%
Effacement maximal (6-9PM, hiver 42%) 45%

4. Toyota City Low-carbon Society Verification Project

Situé dans la préfecture d’Aichi, le projet de Smart city de Toyota est un projet de démonstrateur qui s’est déroulé de 2010 à 2014 et se concentre sur le secteur résidentiel (habitat et mobilité) dans une petite « Toyota Ecoful Town ». La ville accueille le siège, le centre technique et les usines du constructeur automobile Toyota Motor Corporation.

L’objectif était d’identifier des solutions technologiques de moyen terme fondées sur une image du foyer dans une dizaine d’années quand, par exemple, la production photovoltaïque se sera généralisée. Il avait pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % à 50 % d’ici 2030 et de 50 % à 70 % en 2050.

Sur une surface de 918 km2 accueillant une population de 420 000 habitants, le projet de Toyota a mis en place des incitations (type éco-points) pour faire changer les comportements des citoyens et faire en sorte que les habitants contribuent mieux et plus à réduire les émissions de gaz à effet de serre (économiser l’énergie, réduire la charge du système électrique, utiliser efficacement l’électricité de source renouvelable). Le projet propose également un système qui met à la disposition des habitants leurs données de consommation.

Etaient impliqués dans le projet 67 résidences neuves avec HEMS et 160 résidences existantes ainsi que deux bâtiments commerciaux, un centre de distribution et le showroom Toyota Ecoful Town, construit pour montrer les efforts de la ville dans la construction d’une société bas carbone. 61,2 % d’énergie renouvelable et 4 000 véhicules de nouvelle génération étaient inclus dans le projet. Outre la gestion de l’énergie dans les maisons, ce projet de communauté intelligente s’est également concentré sur le secteur des transports. Les véhicules à cellules en électricité et carburant ont reçu les HEMS susmentionnés comme éléments de stockages et de production.

Le projet de Smart City de Toyota (Source : NEDO)
Objectifs Résultats
Optimiser l'utilisation de l'énergie et la demande et fourniture du secteur des particuliers considérant le comportement des consommateurs. Les effets positifs des HEMS et d’autres équipements intelligents, des automobiles écologiques de nouvelle génération et de nouvelles technologies sociales sur les infrastructures ont toutes été vérifiées.
Les modèles développés pour le système de société à faibles émissions de carbone devraient être transférés sur les marchés intérieurs et à l'étranger. La ville Ecoful a été construite pendant le projet de communauté intelligente et a fortement attiré les visiteurs nationaux et étrangers. Le nombre de visiteurs était d'environ 180 000 de plus de 100 pays
Réduction de dioxyde de carbone de 30% pour les secteurs de particuliers et du transport 30.1%