L’apparition discrète des smart grids en Afrique

Contenu mis à jour le 07/12/2020

Cette section a été rédigée

par la Commission de régulation de l'énergie.

Le développement des énergies renouvelables étant plus coûteux à court terme que les solutions thermiques, c’est par une démarche volontariste et des soutiens financiers privés ou internationaux que les Etats africains pourront s’engager vers un avenir énergétique durable. Des initiatives internationales, comme l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, le Nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique, ou l’Africa Smart Grids Forum, lancées dans la continuité de l’Accord de Paris sur le climat, promeuvent le développement des énergies renouvelables, mobilisent des financements, et imaginent les premiers systèmes intelligents à mettre en place en Afrique pour optimiser le fonctionnement de systèmes électriques intégrant massivement des énergies renouvelables. A l’heure actuelle, les micro-réseaux constituent la première étape de l’arrivée des Smart grids en Afrique.

1. Les initiatives internationales pour les énergies durables et les premiers systèmes intelligents

Les initiatives de la COP 21

Dans la continuité de l’Accord de Paris sur le climat de 2015, la COP 21 a consacré le lancement de plusieurs initiatives en faveur des énergies durables pour renforcer l’accès à l’électricité en Afrique. Leur déploiement est encore en cours.

L’Alliance solaire internationale (ASI) est la plus importante des initiatives en faveur de l’énergie solaire. Créée à l’initiative de la France et de l’Inde, elle compte 47 membres dont plus de la moitié sont des Etats africains. L’ASI ambitionne de déployer 1000 GW de capacités solaires additionnelles d’ici 2030 pour un investissement de 1000 milliards de dollars. Elle centrera son travail sur l’amélioration des cadres réglementaires, la diffusion de modèles de contrats standards, des appels d’offres plurinationaux harmonisés, un mécanisme de couverture des risques, la formation locale, notamment. Ses travaux ont débuté en 2018.

L’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), lancée par les chefs d’États africains à la COP 21 de 2015, est directement pilotée par l’Union Africaine (UA) avec l’appui de la Banque Africaine de Développement. L’initiative est actuellement menée par Alpha Condé, le président de la République de Guinée. L’ambition est d’accélérer l’exploitation du potentiel de l’Afrique en énergies renouvelables : l’objectif est d’atteindre au moins 10 GW de capacité de production supplémentaire d’énergie renouvelable d’ici 2020 et un une capacité d’au moins 300 GW d’ici 2030.

Pour cela, l’initiative envisage des systèmes énergétiques intelligents distribués pouvant supporter la production combinée d’énergies renouvelables. Ces systèmes modernes auront vocation à soutenir l’industrie et atteindre les personnes n’ayant pas aujourd’hui d’accès aux services énergétiques modernes. A l’occasion de la COP 21, 10 bailleurs internationaux, l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Commission européenne, se sont engagés à apporter un soutien financier conséquent à l’initiative. L’un des principaux axes de travail est de renforcer les cadres de réglementation, de soutien et d’incitation, afin d’attirer les investisseurs privés et de planifier la mise en place des technologies de réseaux intelligents

« L’initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables – Résumé du document cadre et plan d’action de l’IAER », 2016 : www.arei.org/wp-content/uploads/2016/09/AREI-summary-french_web.pdf

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Six projets de déploiement de centrales solaires et éoliennes grâce à des producteurs privés ont été approuvés en 2019 par le conseil d’administration de l’AREI. Les nouveaux projets sont financés par Proparco, la filiale de l’AFD en charge du secteur privé et s’ajoutent aux 46 déjà adoptés en 2017. L’AFD contribue aujourd’hui à l’initiative à hauteur de 2,2 milliards d’euros

www.afd.fr/fr/actualites/initiative-de-lafrique-sur-les-energies-renouvelables-le-groupe-afd-en-pointe

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Le Nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique de la Banque africaine de développement, vise l’accès universel à l’électricité en Afrique d’ici 2025, grâce à des solutions hors-réseau essentiellement et aux avancées technologiques pertinentes. Le nouveau pacte lancé en 2015 donne lieu à une plateforme de partenariat public-privé pour des financements innovants en faveur du secteur de l’énergie en Afrique

« Le New Deal pour l’énergie en Afrique », 2015, BAD : www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Generic-Documents/Brochure_New_Deal_-vf.pdf

. Dans le cadre de ce nouveau pacte, la Banque africaine de développement s’est engagée à investir 12 milliards de dollars américains à l’horizon 2020.

Lors de la COP 21, la Banque africaine de développement a marqué son soutien au développement de villes intelligentes. A ce jour, trois grandes villes africaines, Lagos, Johannesburg et Addis-Abeba se sont engagées dans le C40, Cities Climate Leadership Group, et six villes africaines sont membres de l’initiative 100 villes résilientes : Accra (Ghana), Arusha (Tanzanie), Dakar (Sénégal), Durban (Afrique du Sud), Enugu (Nigéria), et Kigali (Rwanda)

“L’Afrique et le climat : une opportunité pour s’adapter et prospérer”, 2015, BAD : www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Events/COP21/Contribution_de_la_Banque_africaine_de_d%C3%A9veloppement_%C3%A0_la_r%C3%A9union_de_la_COP21_%C3%A0_la_CCNUCC.pdf

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L’IRENA

L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) est une organisation intergouvernementale lancée en 2011 dont la mission est la promotion des énergies renouvelables à l’échelle mondiale. Elle a vocation à encourager les Etats dans une transition vers un avenir énergétique durable. L’IRENA sert de plateforme pour la coopération internationale et de centre de référence en matière de connaissances politiques, technologiques et financières sur les énergies renouvelables.

Plus particulièrement, dans son rapport de 2015 « Smart grids and Renewables – A cost-benefit guide for developing countries », l’IRENA reconnait l’importance des Smart grids pour l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux des pays en développement. Compte-tenu de l’importance des énergies renouvelables pour l’électrification du continent africain, la capacité des réseaux intelligents à augmenter la flexibilité du réseau et d’intégrer davantage de production à partir de renouvelables constituent une solution pertinente. Le rapport conclut toutefois que les réseaux intelligents, bien que conceptuellement attrayants, doivent faire l’objet d’une analyse coût-bénéfice

“Smart grids and Renewables – A cost-benefit guide for developing countries”, 2015, IRENA : www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2015/IRENA_PST_Smart_Grids_CBA_Guide_2015.pdf

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L’Africa Smart Grids Forum

Le premier Forum africain pour les Smart grids a eu lieu à Abidjan en Côte d’Ivoire en 2014. Organisé tous les deux ans depuis, il a vocation à réunir les acteurs du secteur de l’énergie africains et ceux des pays d’Europe et d’Asie ayant déjà mis en place la technologie des Smart grids. Le forum vise quatre objectifs : 1) réfléchir à la manière dont le potentiel Smart grids peut accélérer l'accès durable à l'électricité pour les populations africaines ; 2) identifier les possibilités offertes par les Smart grids pour renforcer les entreprises et créer des emplois sur le continent africain ; 3) identifier les obstacles à la diffusion des Smart grids ; 4) proposer des mesures pour permettre aux Smart grids de devenir des pivots de l'électrification du continent

www.esi-africa.com/event-listing/3rd-africa-smart-grid-forum-2018/

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La création de ce forum, dont la dernière édition a eu lieu en 2018 à Kigali au Rwanda, témoigne de la volonté de l’Afrique de saisir les opportunités offertes par les technologies de réseaux intelligents pour électrifier le continent et contribuer à son développement économique.

Ainsi, l’apparition progressive des solutions intelligentes dans les initiatives internationales en faveur des énergies durables en Afrique et les forums de discussion qui se mettent en place localement, visent à étudier la faisabilité de tels projets, à identifier les financements nécessaires, et constituent les prémices de l’apparition des Smart grids Afrique.

2. Le développement des Smart grids en Afrique

La pertinence des réseaux intelligents en Afrique

L’accès universel à l’électricité de l’Afrique dépend de sa capacité à mobiliser son potentiel considérable en énergies renouvelables. Le solaire et l’éolien notamment doivent permettre de compléter les énergies traditionnelles pour renforcer les capacités installées de production d’électricité et permettre l’accès des populations rurales isolées du réseau national à l’électricité.

Avec ce développement des énergies renouvelables, la production d’électricité devient intermittente et décentralisée. Les Smart grids sont des réseaux de distribution d'électricité qui favorisent la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel et de permettre une gestion plus efficace du réseau électrique. La capacité des Smart grids à gérer l’intermittence des énergies renouvelables et à optimiser l’utilisation d’une production décentralisée en fait des solutions pertinentes pour répondre à la réalité à venir des pays africains souhaitant développer les énergies renouvelables à grande échelle.

Si des Smart grids à l’échelle d’un pays ou transfrontaliers ne sont pas encore d’actualité, le développement progressif des énergies renouvelables en Afrique s’accompagne d’ores et déjà de certaines formes de réseaux intelligents. Sur les sept technologies de Smart grids identifiées par l’IRENA

“Smart grids and renewables – A guide for effective deployment”, 2013, IRENA : www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2013/smart_grids.pdf

, une seule est déployée aujourd’hui en Afrique : les micro-réseaux. Ceux-ci consistent à mettre en place un réseau à petite échelle autour d’une zone de production et proche d’une zone de consommation, afin d’optimiser la distribution.

En Afrique subsaharienne, des micro-réseaux se développent notamment dans les zones rurales non raccordées au réseau grâce à l’installation généralement de panneaux photovoltaïques. La première génération de Smart grids participe ainsi à l’électrification de régions en Ouganda, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, ou au Bénin par exemple.

Par ailleurs, des projets plus avancés sont actuellement menés dans certains pays d’Afrique de l’Ouest : des Smart Cities sont progressivement développées, la numérisation des réseaux nationaux s’esquisse, et le déploiement des compteurs intelligents est déjà en cours dans quelques pays (voir les sections 3 et 4). Ces projets étant encore en cours, les enseignements seront à identifier prochainement.

L’Afrique présente ainsi un potentiel particulièrement élevé pour le développement des technologies de Smart grids, porté par l’intégration indispensable des énergies renouvelables dans les systèmes électriques africains.

Les évolutions régulatoires attendues

Le recours progressif aux technologies de Smart grids appelle des évolutions du cadre réglementaire et de la régulation du secteur. L’autoproduction industrielle, l’autoconsommation et la revente de l’excédent à un tarif intéressant, la possibilité pour les producteurs d’énergie indépendants d’accéder au réseau et de pouvoir compter sur des modalités d’achat claires et transparentes, deviennent des sujets clés.

La clarté et la transparence du cadre réglementaire conditionnent l’installation d’un climat d’affaire favorable, qui est un élément déterminant dans l’engagement des opérateurs à mettre en œuvre des projets d’électrification. Or la participation du secteur privé est essentielle, afin de compléter les ressources limitées mises à disposition par l’Etat. Le rôle du régulateur est donc essentiel dans le développement des micro-réseaux et des Smart grids de manière générale en Afrique. La régulation encadrant le développement des Smart grids est un enjeu pour les pays d’Afrique subsaharienne étudiés dans les prochaines sections.

Les smart grids au Sénégal