Des acteurs divers, des types d’effacements multiples

Contenu mis à jour le 05/12/2020

Cette section a été rédigée par

La Commission de régulation de l'énergie

1. L’effacement peut être réalisé par un grand nombre d’acteurs

On classe généralement les consommateurs en trois grands groupes : les consommateurs industriels, tertiaires, et résidentiels. Chacune de ces catégories possède des caractéristiques qui lui sont propres (niveau de puissance, raccordement au réseau, …) et des contraintes inhérentes à sa consommation (horaires, usages, …).

La CRE a beaucoup œuvré ces dernières années pour que la réglementation permette au plus grand nombre de réaliser des effacements. Si les conditions économiques limitent le développement des effacements, des travaux significatifs ont été menés par les différentes parties prenantes pour lever les barrières réglementaires, permettant à des sites divers de participer à la flexibilité du système électrique par leurs actions d’effacement.

1.1 Les industriels

Depuis l’ouverture des premiers mécanismes de marché aux effacements, et encore aujourd’hui, les effacements industriels représentent la plupart des volumes de la filière effacement. Les sites industriels fortement consommateurs d’électricité représentent un gisement de flexibilité important, notamment car leur consommation peut être pilotable.

Les entreprises de métallurgie, de chimie, les papeteries, et raffineries, par exemple, peuvent, sous certaines conditions, arrêter ou diminuer la consommation d’électricité dédiée à un ou plusieurs processus industriels.

La réalisation d’un effacement peut représenter des contraintes multiples que le site industriel doit prendre en compte dans sa décision de participer aux mécanismes d’effacement.

  • d’un point de vue technique, tout d’abord, l’industriel doit être en mesure de mettre en place une chaine de commande permettant de réaliser l’effacement lors de la réception d’un signal. De plus, tous les processus ne peuvent être interrompus, ou dans des délais trop longs pour que l’effacement ne soit considéré comme un moyen flexible ;
  • d’un point de vue organisationnel, ensuite, il est souvent nécessaire d’avoir du personnel formé à réagir en cas d’effacement. Par ailleurs, la réalisation d’un effacement et l’arrêt d’un processus opérationnel peut interrompre le travail des employés du site, nécessitant une réorganisation du travail en interne ;
  • et d’un point de vue économique enfin, puisque l’arrêt d’un processus peut générer une perte de production, une perte de qualité dans le produit, des surcoûts de maintenance, etc

Toutes ces contraintes doivent être évaluées financièrement, et mises en regard des bénéfices (financiers, écologiques, …) que les effacements apportent au consommateur concerné.

1.2 Les bâtiments tertiaires

Les supermarchés, les commerces, les immeubles de bureaux, sont des bâtiments tertiaires qui peuvent présenter un fort potentiel de flexibilité. Les immeubles de bureaux peuvent par exemple diminuer le niveau de leur éclairage ou de chauffage, les supermarchés et entrepôts frigorifiques peuvent baisser temporairement le fonctionnement de leurs réfrigérateurs, et ainsi soulager un temps le réseau dans les situations les plus tendues.. Ils peuvent également remplacer leur consommation sur le réseau par l’utilisation de moyens de stockage ou de groupes de production qu’ils possèdent.

Tout comme les industriels, les gestionnaires de bâtiments tertiaires doivent prendre en compte les contraintes liées aux effacements. Ils doivent en effet assurer aux utilisateurs des bâtiments un certain niveau de confort et de service, qui peut être altéré par les effacements. Tout comme pour les industriels, les effacements pour les acteurs du tertiaire ne sont que des évènements ponctuels, qui ne doivent pas dégrader de manière significative leurs activités quotidiennes et commerciales.

L’effacement peut représenter pour le secteur tertiaire un gain financier, qui permet de réduire l’enveloppe de coûts dédiée à la fourniture d’électricité.

1.3 Les effacements résidentiels

Les logements résidentiels sont une source diffuse, mais non négligeable, de flexibilité. Si chaque habitation prise individuellement possède un potentiel effaçable faible, de l’ordre du kW, l’agrégation, c’est-à-dire la somme d’un nombre important de ces puissances individuelles, peut représenter une puissance significative à l’échelle du réseau.

 

La flexibilité dans les logements est très principalement apportée par le chauffage électrique, qui peut être momentanément interrompu, et par les ballons d’eau chaude, dont le démarrage peut être différé. La recharge des véhicules électriques représentera également dans un futur proche une nouvelle source de consommation flexible. L’effacement résidentiel, pour se développer, doit être accepté par le consommateur final. Il est donc nécessaire que l’usager ne ressente pas une dégradation trop sensible de son niveau de confort, qu’il convient de rapporter également à son niveau de rémunération ou d’économie, sans quoi il refusera de participer aux effacements.

Véhicule électrique et pilotage de la recharge

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2. Les différents types d’effacement

Il existe deux moyens pour les acteurs présentés ci-dessus de prendre part aux effacements en France. Le premier, dit « implicite », se fait par le biais d’un fournisseur, au moyen d’un tarif dédié. Le second, dit « explicite », consiste à valoriser ses effacements directement sur le marché ou en tant que service auprès du gestionnaire de transport.

2.1 Les effacements indissociables de la fourniture

Les premières ébauches de la valorisation implicite des effacements datent de 1965, avec la création par EDF d’un tarif « heures pleines/heures creuses ». Ce tarif a été mis en place pour inciter les clients à décaler leurs consommations pendant les heures de la journée dites creuses, qui correspondent généralement à la période 22h-6h. Pour cela, le fournisseur impose un prix de l’électricité différencié : il sera plus élevé que la moyenne d’un tarif base pendant les heures pleines, mais moins élevé pendant les heures creuses. Cela permet au fournisseur de réduire ses coûts d’approvisionnement (l’électricité étant généralement moins onéreuse la nuit), aux gestionnaires de réseau de limiter les tensions, et au consommateur qui suit ces signaux de réduire le coût de sa facture.

En 1982, EDF crée le tarif « EJP » (Effacement Jour de Pointe). Au cours de l’année, EDF signale à ses clients 22 jours dits « de pointe », pendant lesquels le prix payé par le consommateur sera très élevé, ce qui incitera les utilisateurs à décaler ou à réduire leur consommation. Ces jours sont censés représenter les jours les plus tendus pour réseau, et donc ceux pour lesquels la fourniture d’électricité est la plus chère. En contrepartie, les 343 jours restants, les clients bénéficieront d’un tarif avantageux. En 1998, le tarif EJP a été remplacé par le tarif Tempo dont le principe est similaire pour les petits consommateurs (le tarif TEMPO n’a jamais été proposé pour les clients ayant un contrat vert ou jaune mais le tarif EJP leur était proposé jusqu’en 2016). Aujourd’hui, quelques fournisseurs proposent des tarifs reposant sur ce principe de différenciation des prix de l’électricité selon les moments de l’année ou de la journée. Ils permettent aux consommateurs les choisissant de réduire leur facture d’électricité en adaptant leur consommation à leur tarif.

Cependant, depuis l’arrêt du tarif EJP, le nombre de clients EJP diminue progressivement (les clients qui avaient souscrits à ce tarif ont été autorisés à le conserver, mais aucun nouveau client ne peut y souscrire), sans que les nouveaux tarifs proposés, notamment Tempo, ne parviennent à séduire les consommateurs. Les clients, tant particuliers que professionnels, ne semblent pas trouver un niveau d’économie suffisant pour justifier les contraintes d’un tarif à effacement.

Néanmoins, les nouveaux usages de l’électricité, et tout particulièrement le véhicule électrique, pourraient représenter de nouvelles opportunités pour les fournisseurs et les consommateurs, pour la création de nouvelles offres adaptées à ces usages.

Le déploiement du compteur Linky est également susceptible d’encourager le développement de nouvelles offres, grâce à la possibilité qu’il offre de mettre en place des plages tarifaires plus nombreuses que le tarif Heures Pleines/Heures Creuses. Il permet de plus aux clients de suivre de manière plus précise leur consommation, et d’identifier quel tarif correspondrait le mieux à leur mode de consommation.

2.2 Les effacements explicites

Les consommateurs ne sont pas obligés de passer par leur fournisseur pour valoriser leur flexibilité. Indépendamment de son contrat de fourniture, un site peut valoriser son effacement, soit directement, soit par le biais d’un agrégateur, sur les marchés de l’électricité, ou en rendant des services aux gestionnaires de réseau de transport.

Le métier d’agrégateur

Un agrégateur, aussi appelé opérateur d’effacement dans le cas de l’effacement, est un acteur qui se place comme intermédiaire entre le consommateur et le gestionnaire de réseau de transport. Le cœur de métier de l’agrégateur est d’apporter à son(ses) client(s) sa connaissance des mécanismes de flexibilité, ainsi que son support technique et administratif. L’agrégateur peut également contribuer à valoriser la flexibilité de sites, qui pris individuellement, ne représentent pas un gisement suffisant : en les regroupant au sein d’une entité commune, l’agrégateur peut atteindre le seuil de participation des mécanismes de marché.

En signant un contrat avec un opérateur d’effacement, un site bénéficie d’un accompagnement pour valoriser explicitement ses effacements. L’opérateur d’effacement s’occupe de la communication avec le gestionnaire de réseau de transport, ou d’interagir avec les places de marché, et ne transmet au site que les informations pratiques dont il a besoin pour mettre en œuvre les effacements.

Souvent, l’agrégateur possède une connaissance fine de la consommation électrique de ses clients, et peut participer à l’identification des gisements de flexibilité, et à la mise en place de leur valorisation.

Enfin, un agrégateur peut permettre à ses clients de réduire le risque individuel porté par chacun en cas de défaillance ou d’impossibilité de réaliser l’effacement. En possédant dans son portefeuille des sites multiples et variés, qu’il peut combiner en « entités », l’agrégateur limite les écarts et pénalités de ses clients. Il leur garantit ainsi des revenus plus stables.

La France a été le premier pays européen autorisant les consommateurs à valoriser leurs effacements en faisant appel à un opérateur d’effacement sans devoir obtenir l'accord préalable de leur fournisseur (avis de l’Autorité de la concurrence n°12-A-19 du 26 juillet 2012 ). Les fournisseurs d’électricité et les opérateurs d’effacement pouvant en effet être en concurrence pour la valorisation des effacements, il est nécessaire que l'opérateur d’effacement n’ait pas à négocier avec le fournisseur les conditions de participation et de valorisation du site effacé. Le fournisseur demeure certes un acteur privilégié pour proposer au consommateur de moduler sa consommation à certains moments, mais il n’est plus le seul acteur vers qui le consommateur peut se tourner.

 

Un effacement peut être valorisé sur le marché de l’électricité, au même titre que de l’énergie produite par une centrale. En effet, lorsqu’un site renonce à sa consommation et s’efface, l’électricité qu’il n’a pas consommée mais qui est injectée par le fournisseur peut être revendue à un autre consommateur. C’est le principe du mécanisme NEBEF, expliqué en détail plus bas.

Enfin, un site de consommation flexible peut, s’il est techniquement apte, et contre une rémunération, s’engager auprès de RTE à rendre des services d’équilibrage et de gestion des congestions. RTE pourra alors solliciter, selon ses besoins, le site pour réaliser des effacements.

Le cadre réglementaire et les objectifs de développement de la filière