Le concept de microréseau

Contenu mis à jour le 30/11/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie

Les micro-réseaux électriques sont en très forte croissance dans le monde, comme en témoigne la décision du gestionnaire de réseau californien PG&E (Pacific Gas & Electric) de lancer en novembre 2019 un important marché pour l’installation de 20 nouveaux microgrids sur sa zone de desserte. Cette augmentation s’explique principalement par la volonté de rapprocher la production d’électricité de sa consommation, de limiter les investissements dans les réseaux de transport et de distribution et de réduire les pertes. Cela est aujourd’hui rendu possible par la multiplication des installations de production d’énergie décentralisées, solaires ou éoliennes et le développement des dispositifs de stockage. D’autres raisons contribuent également à cet essor des projets de microgrids, notamment aux États-Unis et en Asie, leaders en nombre de projets dans le monde, comme la volonté d’augmenter la résilience du système électrique en faisant appel à la capacité d’îlotage qu’offrent les microgrids. Ces microgrids constituent un modèle d’optimisation pour le réseau électrique.

1. Qu’est-ce qu’un microgrid ?

Les microgrids, ou micro-réseaux, sont des réseaux électriques de petite taille, conçus pour fournir un approvisionnement électrique fiable à un petit nombre de consommateurs. Ils agrègent de multiples installations de production locales et diffuses (micro-turbines, piles à combustible, petits générateurs diesel, panneaux photovoltaïques, mini-éoliennes, petite hydraulique), des installations de consommation, des installations de stockage et des outils de supervision et de gestion de la demande. Ils peuvent être raccordés directement à un réseau de distribution ou fonctionner déconnectés du réseau (îlotage). Ce concept, susceptible de concerner différentes échelles du territoire (bâtiment, quartier, zone industrielle ou artisanales, village, etc.) est en train de s’élargir aux réseaux de chaleur et de gaz naturel, et peut ainsi être pensé de manière multi-fluides.

Le concept de microgrids n’est pas nouveau, puisque les premiers réseaux, datant de la fin du 19ème siècle, étaient isolés puis se sont progressivement agrégés jusqu’à créer les réseaux nationaux actuels, en profitant des économies d’échelle liées aux grands réseaux. Les microgrids ont su évoluer et le déploiement des Smart grids a élargi leur champ d’application. La mission première des microgrids est une mission d’électrification, et c’est à ce titre qu’ils sont considérés comme une opportunité pour le développement de certains pays émergents, en Afrique, notamment. S’ils continuent de remplir ce rôle aujourd’hui, la transition énergétique en a aussi fait un vecteur de développement de la production décentralisée d’énergie.

L’architecture d’un microgrid (Source : CRE)

2. La segmentation des microgrids

Les projets de microgrids électriques peuvent être classés en fonction de leur taille, mais également de leur utilité (fiabilité, résilience et efficacité des réseaux, difficulté d’accès à l’énergie, conditions météorologiques dégradées, émergence d’éco-quartiers, réflexion multi-énergie, économies d’énergie, etc.) en 5 grandes catégories :

  • les microgrids des zones commerciales, artisanales ou industrielles : ces zones, fortement consommatrices d’électricité, regroupent entreprises et industries aux activités diverses, dont les besoins en énergie ne sont pas tous identiques. Il s’agit d’y optimiser la gestion de l’énergie notamment pour qu’elles soient plus neutres vis-à-vis du réseau de distribution ;
  • les microgrids de campus universitaire : l’enjeu est d’améliorer la gestion énergétique des campus dans un contexte où ceux-ci se doivent d’adopter une démarche de développement durable, telle que prévue par l’article 55 de la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009 ;
  • les microgrids alimentant des zones isolées, non raccordées aux réseaux électriques ou temporairement coupées du réseau pour cause d’aléas (intempéries par exemple) : le déploiement de micro-réseaux leur permet d’exploiter les ressources énergétiques renouvelables locales et de ne plus dépendre seulement de groupes diesel polluants et coûteux.
  • les écoquartiers : ils fonctionnent peu ou prou sur le même modèle que les microgrids dans les zones commerciales ou industrielles, mais à l’échelle de zones urbaines résidentielles et/ou tertiaires ;
  • les microgrids de « base vie » (camp militaire ou hôpital par exemple) : avec ses propres moyens de production et de stockage et ses propres infrastructures de distribution, le micro-réseau garantit une autonomie énergétique fournissant de l’électricité pendant les périodes de coupures de courant sur le réseau de distribution, atout essentiel pour les bases militaires ou les hôpitaux, qui ne peuvent pas laisser des pannes d’électricité les empêcher de s’acquitter de leurs missions.

3. Les avantages du microgrid

Les bénéfices de déploiement des microgrids sont nombreux :

  • d’un point de vue technique : les microgrids facilitent notamment une gestion optimisée de la production d’électricité d’origine renouvelable à l’échelle locale. Ils peuvent apporter un service auxiliaire au réseau public de distribution, en l’aidant à maintenir stable la tension et en l’« allégeant » lorsqu’il est coupé du réseau de distribution ;
  • d’un point de vue économique : en fonction de sa taille, le microgrid peut jouer un rôle d’agrégateur de capacités. Les microgrids permettent également de différer des investissements de réseaux, la proximité entre production et consommation permettant d’optimiser l’acheminement de l’énergie. Ils permettent aussi de réduire le volume des pertes techniques ;
  • d’un point de vue sociétal : un microgrid fournit des réponses à l’évolution des besoins fondamentaux d’un territoire en énergie, notamment en garantissant un réseau plus sûr et plus fiable en cas d’incident. Parce qu’il s’agit d’un projet local, il facilite également la création d’initiatives et de nouveaux partenariats entre les acteurs locaux. Le développement des micro-réseaux répond aussi à l’appétence des consommateurs pour les circuits courts, d’autant que les fonctions Smart grids qui peuvent y être attachées renforcent considérablement le rôle du consommateur ;
  • d’un point de vue environnemental : les micro-réseaux facilitent l’intégration des énergies de sources renouvelables sur les réseaux, ce qui permet d’éviter l’installation de centrales thermiques en zones « fragiles ».

En outre, les infrastructures nécessaires aux réseaux électriques intelligents étant complexes à mettre en place et pouvant prendre plusieurs années, les microgrids peuvent être considérés comme une alternative plus simple à mettre en œuvre. En reproduisant à petite échelle un grand nombre d’enjeux liés au déploiement des Smart grids et à l’intégration sur le réseau des énergies renouvelables, ils sont des démonstrateurs de ce que pourraient être de plus grands déploiements de Smart grids.

4. Les défis technico-économiques du microgrid

Cependant, les défis technico-économiques associés au déploiement de ces micro-réseaux sont aujourd’hui encore très nombreux. La gestion des microgrids et leur raccordement au réseau public de distribution est complexe :

  • en mode d’îlotage, comment maintenir la stabilité du réseau (tension et fréquence) au sein du microgrid et comment maintenir la stabilité du réseau public de distribution lors de la resynchronisation du microgrid avec le réseau public de distribution ? Pour que l’électricité produite puisse être distribuée sur le réseau, les caractéristiques de tension, de fréquence et de puissance doivent être contrôlées. De même, l’infrastructure du microgrid doit être compatible avec les standards existants pour que l’équilibre sur le réseau soit maintenu ;
  • comment envisager le modèle économique du microgrid alliant autoproduction et autoconsommation ?
  • comment faire face aux capacités et au prix des technologies de stockage actuelles ? La plupart des microgrids en projet ne seront pas capables de produire et de stocker durablement suffisamment d’énergie pour pouvoir se passer d’un raccordement au réseau électrique ;
  • le microgrid est-il un réseau privé ou répond-t-il à une mission de service public ? Le microgrid entraîne une certaine privatisation des réseaux, et pose la question de la péréquation nationale des tarifs fixés pour l’utilisation de ces réseaux qui est un des fondements du système électrique français développé selon le principe de la solidarité nationale.

Les fondamentaux socio-économiques