Les microgrids traditionnels

Contenu mis à jour le 30/11/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

1. Électrifier les zones isolées

Le développement des microgrids permet d’électrifier durablement les zones les plus isolées, difficiles d’accès, situées loin des réseaux de distribution d’électricité. Un premier exemple de microgrid : localisé au cœur d’une réserve naturelle et uniquement accessible en pirogue, le village de Kaw (en Guyane) comprend une cinquantaine d’habitations et connaît des difficultés d’approvisionnement en électricité du fait de son isolement. La première centrale photovoltaïque construite en 1983 afin d’approvisionner un village de 25 foyers a constitué un exemple novateur et précurseur en matière de production d’énergies renouvelables. Elle a été remplacée par une nouvelle centrale photovoltaïque en 2009, qui reste l’une des plus grandes centrales en site isolé de ce type dans le monde. La nouvelle installation comprend des panneaux solaires pour une puissance installée de 100 kWc, un complément thermique d’appoint de 80 kW et une capacité de stockage sur batteries de 1 250 kWh assurant une autonomie sur le solaire de 2,5 jours environ. Le système est plus complexe à maîtriser que le simple fonctionnement d’un moteur diesel. L’optimisation de la gestion des flux d’énergie reste un sujet d’étude pour ce type de centrales hybrides autonomes avec stockage d’énergie.

La centrale hybride de Kaw

Voir le projet

Un exemple encore plus extrême est celui de la station de recherche scientifique Princess Elisabeth Antarctica non raccordée à un réseau électrique, située en Antarctique dans des conditions particulièrement difficiles. L’électricité de la station est produite par des panneaux solaires (379,5 m²) et des éoliennes (9 éoliennes de 6 kW chacune), puis stockée dans des batteries au plomb d’une capacité de 6.000 Ah. Le chauffage est produit grâce à des panneaux solaires thermiques (22 m²) et deux générateurs diesel (44 kWh) sont disponibles en secours. Les besoins énergétiques de la station Princess Elisabeth Antarctica représentent à peine 20 % de ceux d’une station antarctique standard de taille comparable. Chaque demande en énergie est analysée, traitée puis soumise à approbation. L’objectif est de maintenir l’équilibre entre ce qui est produit et ce qui est consommé en électricité, par le lestage et le délestage des circuits électriques. Toute l’intelligence de la gestion de la station polaire est centralisée dans un automate programmable. La production de l’énergie et l’ensemble des techniques mises en œuvre dans la station polaire (traitement des eaux, HVAC, système de ventilation) fonctionnent grâce à cette unité de gestion.

 

La station polaire Princesse Elizabeth en Antarctique (Source : International Polar Foundation)

2. Une réponse à la fragilité des réseaux

Les microgrids capables de fonctionner en totale autonomie peuvent aussi constituer une réponse viable à la fragilité de certains réseaux urbains. Il s’agit d’un type particulier de microgrid, qui n’est pas le plus répandu actuellement : les microgrids dotés d’un mode « îlotage ». Ces réseaux peuvent se déconnecter du réseau principal et assurer en toute autonomie la distribution d’électricité aux consommateurs de la zone. Cette solution est de plus en plus adoptée aux États-Unis, où ces microgrids sont vus comme un moyen de garantir la sécurité d’approvisionnement de zones trop souvent victimes de défaillance de réseau, entraînant des coupures d’alimentation en électricité. Les réseaux très centralisés peuvent être vulnérables aux évènements climatiques extrêmes, notamment. Dans les zones exposées à de violentes tempêtes par exemple, de tels micro-réseaux pourraient continuer à fournir de l’électricité, même lorsque le réseau principal a été endommagé. Le nombre de consommateurs affectés par le défaut du réseau s’en trouverait limité.

L’ouragan Sandy qui a touché le Nord-Est des États-Unis en 2012 a mis les microgrids sous les projecteurs. Alors que les réseaux électriques étaient défaillants sur la quasi-totalité des zones concernées, quelques quartiers continuaient à être alimentés. Les campus universitaires, en particulier, constituent des lieux propices à l’expérimentation de microgrids. Le micro-réseau du campus de l’université de Princeton, dans le New Jersey, comprend ainsi une turbine à gaz et une installation photovoltaïque, qui représentent au total une capacité de production de 15 MW.

En temps normal, si la demande en électricité du campus est élevée ou que les prix de l’électricité sont bas, le microgrid utilise l’électricité en provenance du réseau public ; si, à l’inverse, la demande sur le campus est faible, le microgrid peut même contribuer à alimenter le réseau de distribution d’électricité. En période de crise, le microgrid de l’université de Princeton peut se déconnecter du réseau et alimenter seul la totalité du campus en électricité. Le 29 octobre 2012, alors que l’ouragan Sandy frappait la région entraînant une défaillance des réseaux électriques et des blackouts, le microgrid a fonctionné en îlotage et assuré seul l’alimentation électrique du campus jusqu’au 31 octobre, lorsqu’il s’est reconnecté au réseau. Entre-temps, le campus s’est transformé en refuge pour les services de secours tels que la police, les pompiers ou les ambulanciers, qui l’ont utilisé comme base de déploiement ou de recharge des équipements.

Le microgrid de l’Université de Princeton (Source : Princeton University)

L’utilisation de l’îlotage pose néanmoins un certain nombre de défis techniques car la gestion des microgrids et leur raccordement au réseau de distribution est complexe. Il faut notamment s’interroger sur les conditions nécessaires au maintien de la stabilité du réseau (en tension et en fréquence) au sein du microgrid, ainsi que de la stabilité du réseau de distribution lors de la resynchronisation du microgrid avec celui-ci. De même, l’infrastructure du microgrid doit être compatible avec les standards existants pour que l’équilibre sur le réseau soit maintenu.

3. Une possible source d’économies

La réduction des transits sur les réseaux entraîne des économies de coûts de réseaux. L’optimisation de la distance entre la production et la consommation d’énergie a deux conséquences principales. À court terme la conséquence la plus immédiate de l’utilisation d’un microgrid est la diminution des pertes électriques causées par le transport de l’électricité. À long terme, les investissements d’infrastructure sur les réseaux pourraient, sous certaines conditions, être revus à la baisse.

Le microgrid peut être perçu comme un outil d’optimisation des capacités du réseau : celui-ci est dimensionné en fonction de la pointe de production. Aussi, le développement des EnR peut provoquer un surdimensionnement encore plus marqué du réseau. Plutôt que d’augmenter les capacités de transit de puissance sur les lignes de transport et de distribution, un microgrid facilite localement le lissage des pointes de consommation et contribue au maintien de l’équilibre entre l’offre et la demande à l’instant t. La valeur ajoutée des microgrids réside alors dans les dispositifs de pilotage du réseau qu’ils comportent. Il devient par exemple plus aisé de répartir la consommation aux heures de pointe entre les différentes installations de production. In fine, un meilleur dimensionnement des réseaux conduit à une gestion plus efficace des investissements dans les réseaux de distribution d’électricité.

Parmi les territoires français impliqués dans le déploiement des microgrids, on trouve la métropole de Nice qui a accueilli le démonstrateur Nice Grid, proposant, notamment, une alternative à l’augmentation de la capacité de transit de l’unique ligne à 400 kV qui alimente la ville.

Nice Grid, un démonstrateur pionnier

Voir la fiche

Le microgrid du projet Nice Grid (Source : Nice Grid)

En fonction de sa taille, le microgrid peut éventuellement jouer le rôle d’un agrégateur, qui vend ou achète des capacités ou de l’énergie électrique sur les marchés. Afin de pouvoir répondre rapidement et efficacement à la demande d’équilibrage ou de pointe du réseau, il est nécessaire d’agir conjointement sur la production et sur un grand volume d’effacement potentiel. Or, si l’on veut assurer au réseau un volume d’effacement tout en garantissant aux clients industriels un impact limité de l’effacement sur leur process ou aux clients tertiaires un impact limité sur le confort des occupants des bâtiments, il est nécessaire de disposer d’une grande flexibilité en agrégeant un grand nombre de sites. En plus de la mise en action de capacités d’effacement, l’agrégateur doit générer, gérer et valider des scénarios d’effacement sur les différents sites pour optimiser le potentiel, la flexibilité et la fiabilité de son action. Les plus grands microgrids peuvent ainsi s’apparenter à des agrégateurs.

Les microgrids participent ainsi à l’amélioration de la disponibilité, de la résistance, de la qualité et de la fiabilité des réseaux de distribution d’électricité.

Les smart microgrids