L’indispensable modernisation des réseaux électriques allemands

Contenu mis à jour le 04/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

1. Le mix électrique allemand : les énergies renouvelables en première place

Le développement des énergies renouvelables constitue un objectif stratégique pour l’Allemagne. Depuis la première loi dite « EEG » portant sur le développement des énergies renouvelables, en l’an 2000, la part de ces énergies dans la production électrique n’a cessé d’augmenter. En témoignent les graphiques ci-dessous sur le mix électrique allemand en 2011 et en 2018, ainsi que l’évolution des volumes de production d’électricité renouvelable.

Le mix électrique allemand en 2011 et en 2018

[Explications : Bruttostromerzeugung = production brute d’électricité ; Erdgas = gaz naturel ; Kernenergie = énergie nucléaire ; Steinkohle = charbon ; Erneuerbare Energien = énergies renouvelables ; Braunkohle = lignite ; Sonstige = Autres ; Hausmüll = déchets résidentiels ; Wasserkraft = énergie hydraulique ; Windkraft = éolien]

L’évolution de la production brute d’électricité à partir d’énergies renouvelables, entre 1998 et 2018

Source : Statistisches Bundesamt, Statistisches Jahrbuch 2019

C’est dans le secteur de la production d’électricité que les énergies renouvelables se sont le plus développées. A titre de comparaison, si les énergies renouvelables représentaient 36 % de la consommation brute d’électricité en 2017, leur part dans la consommation finale brute d’énergie n’était que de 15,9 %.

Un nouveau record a été enregistré en 2019 : au deuxième trimestre, la part des énergies renouvelables dans l’électricité produite en Allemagne et injectée au réseau atteignait 45,9 %, contre 29,3 % pour le charbon et le lignite, 12,1 % pour le nucléaire et 10,5 % pour le gaz naturel.

Afin d’atteindre 30 % de la consommation finale brute d’énergie d’ici 2030, l’Allemagne a mis en œuvre différentes mesures, dont la loi sur le développement des énergies renouvelables (Erneuerbare-Energien-Gesetz, loi dite « EEG ») qui demeure l’instrument le plus important pour leur développement. Ce cadre législatif a d’ailleurs fait l’objet d’une importante réforme en 2017, afin de tenir compte de la hausse des coûts des dispositifs de soutien, en introduisant un recours plus systématique aux appels d’offres.

A également été institué l’Office franco-allemand pour la transition énergétique, qui a pour missions de mettre en lien les parties prenantes du secteur des énergies renouvelables des deux pays et de servir de relais d’information sur la transition énergétique.

Cependant, le très fort développement des énergies renouvelables décentralisées et fluctuantes pose des problèmes pour la gestion du réseau électrique allemand. Il appelle une modernisation indispensable des réseaux de transport et de distribution.

2. Moderniser les réseaux pour répondre à l’évolution du mix énergétique

L’axe Nord-Sud du réseau électrique allemand est encore sous-dimensionné par rapport aux besoins qu’occasionne la répartition géographique des installations de production fonctionnant à partir des énergies de sources renouvelables.

Schématiquement, les zones de production d’électricité d’origine renouvelable sont majoritairement situées au nord et à l’est du pays, avec notamment des champs d’éoliennes offshore en mer du Nord et en mer Baltique. En revanche, les centres de consommation sont davantage situés au sud et à l’ouest, concentrant l’essentiel de l’activité économique du pays.

Répartition géographique des installations de production d’électricité en Allemagne

Il en résulte une saturation des réseaux lorsque l’électricité d’origine renouvelable est produite en quantité importante et doit être transportée du Nord vers le Sud, induisant parfois des flux de bouclage à travers les réseaux des pays voisins. Le régulateur allemand de l’énergie, l’Agence fédérale des réseaux (Bundesnetzagentur, BNetzA), relève que les mesures et les parades nécessaires au bon fonctionnement du réseau sont de plus en plus coûteuses.

Ainsi, l’écrêtement de la production d’électricité d’origine renouvelable (« curtailment ») a atteint un volume très important au premier trimestre 2019 : 3 265 GWh de production électrique renouvelable ont dû être écrêtés, ce qui correspond à une hausse de 1 294 GWh par rapport au premier trimestre 2018. De ces 3 265 GWh non injectés au réseau, 99 % concernaient la production éolienne (terrestre et en mer), et 80 % concernaient deux Länder du Nord de l’Allemagne (Basse-Saxe et Schleswig-Holstein : 2 594 GWh). Cela s’explique notamment par des conditions de vent très favorables dans les premiers mois de 2019. La BNet-zA note toutefois que ce n’est qu’une partie minime de la production électrique à base d’énergies renouvelables (moins de 5 %) qui a dû faire l’objet de mesures de réduction.

Afin de remédier à ce problème de sous-dimensionnement des réseaux électriques, le législateur allemand a adopté plusieurs lois successives visant à simplifier et à accélérer le développement des lignes à haute-tension électriques nécessaires à l’intégration des énergies renouvelables et à l’interopérabilité des réseaux des pays européens :

  • Dans un premier texte de 2009 portant sur le développement des réseaux d’énergie (Gesetz zum Ausbau von Energieleitungen, loi dite « EnLAG »), le législateur a identifié 22 projets de lignes de haute-tension électriques considérés comme prioritaires.
  • Une deuxième loi, entrée en vigueur en 2011 et visant à accélérer le développement des réseaux (Netzausbaubeschleunigungsgesetz, loi dite « NABEG »), prévoit que les projets de ligne à haute-tension transfrontaliers, ceux concernant plusieurs Länder et ceux censés raccorder des parcs éo-liens en mer au réseau allemand soient soumis à une procédure spéciale de planification au niveau fédéral (Bundesfachplanung).
  • En 2013 est adoptée une loi portant sur le plan fédéral d’évaluation des besoins en réseaux (Bundesbedarfsplangesetz, loi dite « BBPlG »). Ce plan, annexé à la loi, codifie la liste des projets de réseaux électriques considérés comme prioritaires.
  • En mai 2019, le législateur allemand adopte une nouvelle loi qui vise encore à accélérer et à simplifier les procédures de planification des réseaux.

La planification et le développement des réseaux électriques se fait en cinq étapes :

  1. Les quatre gestionnaires de réseau de transport (50Hertz Transmission, Amprion, TenneT TSO et Transnet BW) établissent des scénarios sur l’évolution du système électrique allemand (Szenariorahmen).
  2. Les gestionnaires de réseau de transport élaborent ensuite des plans de développement du réseau (pour le réseau électrique en tant que tel et pour le raccordement des parcs éoliens en mer), en y incluant les projets nécessaires sur un horizon de dix à quinze ans afin de garantir le bon fonctionnement du réseau (Netzentwicklungspläne).
  3. Le législateur allemand décide des projets nécessaires en les incluant au plan fédéral d’évaluation des besoins en réseaux (Bundesbedarfsplan).
  4. Viennent ensuite les procédures d’aménagement du territoire et de planification. Pour les projets d’envergure (transfrontaliers, dépassant le cadre d’un Land ou concernant l’éolien en mer), c’est la procédure spéciale de planification qui s’applique (Bundesfachplanung). Cette dernière a pour objet de fixer de manière contraignante un corridor de passage (pouvant avoir jusqu’à 1 000 mètres de diamètre) pour les projets identifiés à la phase 3, avant que ne soit déterminé leur tracé définitif.
  5. La phase 5 est celle de la planification terminale du tracé et de la mise en œuvre (Planfeststellung). Depuis 2015, le législateur a généralisé le recours à l’enfouissement des câbles sous terre, notamment pour les lignes de courant continu. Ce procédé est plus coûteux que le déploiement de lignes aériennes, mais ces dernières ont suscité des réticences de la part de la population, ce qui a souvent retardé la mise en œuvre des projets.

Présentation des projets prioritaires identifiés par les lois allemandes (troisième trimestre 2018)

(Source : BNetzA, Jahresbericht 2018, p. 16) (en vert : projets réalisés ; en jaune : projets autorisés ou sous construction ; en orange : procédure de planification terminale en cours ; en rouge : procédure d’aménagement du territoire ou de planification fédérale en cours ; en bleu : procédure non encore commencée ; pour certains projets, n’existe pour le moment qu’un tracé orthodromique)

« Smart grid » et « Smart market » : la vision du régulateur allemand