Des évolutions de la consommation qui doivent être maitrisées

Contenu mis à jour le 04/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

Différents facteurs, parmi lesquels la croissance démographique, l’amélioration du niveau de vie, le taux d’équipement des ménages ou le développement du véhicule électrique, peuvent entrainer une hausse de la consommation dans les ZNI.

Cette croissance pourrait à terme affecter le dimensionnement du système électrique. Il convient dès lors d’en prévoir le rythme et l’intensité avec précision pour déclencher les investissements au moment opportun et éviter toute situation de surcapacité inutilement couteuse.

Ces évolutions doivent en outre être accompagnées pour en réduire les effets sur le système électrique et le cas échéant les mettre à son service, et maîtrisées dans le cadre d’un financement massif de la MDE.

1. Le financement des actions de MDE par les charges de service public doit permettre un déploiement massif et efficace

Pour réduire les surcoûts de production et les charges de service public qui financent la péréquation tarifaire dans les ZNI, la loi de finances rectificative pour 2012 a étendu le périmètre des projets relevant de ces charges aux projets de maitrise de l’énergie. Ces projets, qui visent à réduire les consommations, permettent de réduire les appels aux moyens marginaux de production, dont les coûts sont les plus élevés, et d’éviter ou de limiter les investissements futurs. Cependant, de tels projets ne génèrent des économies pour les charges de SPE qu’à la condition que la compensation versée à leur porteur n'excède pas les surcoûts de production qu’ils permettent d’éviter.

Pour l'examen des projets de MDE qui nécessitent de développer une infrastructure dont le coût dépasse 1 M€, la CRE a défini une méthodologie dans sa délibération du 10 juin 2015. Celle-ci vise à vérifier que les coûts de ces projets sont effectivement inférieurs aux économies qu’ils engendrent. À ce jour, la CRE n’a pas été saisie de projets entrant dans le cadre de cette méthodologie. Toutefois, elle pourrait s’appliquer à certains projets innovants qui prévoient le déploiement d’un réseau de froid alimenté par le pompage d’eau froide à grande profondeur en substitution d’un système de climatisation électrique, ou la production de froid à partir de la chaleur fatale de certains groupes de production thermique.

Cette méthodologie a été complétée le 2 février 2017 par un dispositif adapté aux « petites » actions de MDE qui regroupent la distribution ou l’installation d’équipements énergétiquement performants chez les particuliers et dans les entreprises. En plus de s’assurer qu’il existe bien un bénéfice pour les charges de SPE, cette méthodologie doit permettre de mobiliser des gisements importants tout en s’assurant de la bonne priorisation et de l’articulation des actions entre elles, ainsi que de la pertinence du niveau de soutien public global et de la bonne articulation des différents mécanismes de soutien (charges de service public, ADEME, collectivités territoriales). La massification des petites actions de MDE constitue un enjeu tant pour réduire les consommations existantes que pour maîtriser la croissance liée à certaines évolutions prévisibles telles que l’équipement progressif des ménages en appareils électriques. À titre d’exemple, dans son bilan prévisionnel EDF SEI estime que 68 % des ménages guyanais seront équipés d’une climatisation en 2030, alors qu’ils n’étaient que 20 % en 2000. Pour l’eau chaude sanitaire, le taux d’équipement devrait passer de 36 % en 2000 à 93 % en 2030.

En Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, un comité territorial consacré à la MDE a été mis en place dès 2017, réunissant les collectivités, l’ADEME, l’opérateur historique et les services de l’État (DEAL – direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Sur la base du travail approfondi de ces comités, la CRE a approuvé par sa délibération du 17 janvier 2019, un cadre de compensation pour chaque territoire. Ces cadres, qui portent sur une période de 5 ans (2019-2023), définissent les actions de MDE éligibles à une aide, les critères techniques d’éligibilité ainsi que le montant maximal de l’aide financée par les charges de SPE.

Ces cadres feront l’objet d’une révision annuelle. Ces révisions permettront entre autres de mettre à jour les critères techniques et les montants des aides en fonction des évolutions des marchés et du retour d’expérience sur le caractère optimal du niveau de l’aide.

Eu égard aux rythmes de déploiement des actions anticipés par les comités MDE, ces cadres représentent un montant d’aide de l’ordre de 650 M€ sur 5 ans (enveloppe estimée d’aide pour les actions standard et les actions non standard de MDE dans les ZNI ainsi que pour l’action de rénovation globale des logements individuels et collectifs en Corse).

En outre, il ressort des travaux des comités que la règlementation thermique spécifique aux Outre-Mer (RT DOM) n’est parfois appliquée que de manière partielle alors qu’elle constitue un outil de pilotage de la demande complémentaire du financement au titre des charges de service public. Le renforcement de l’accompagnement et des contrôles sur place constituent dès lors une priorité, le financement de la MDE au travers des charges de service public n’ayant pas vocation à pallier de manière durable les lacunes de l’application d’une réglementation.

2. L’évolution du comportement des consommateurs, orienté par les signaux tarifaires, doit permettre une diminution des coûts de production

En application des dispositions du code de l’énergie, la CRE élabore les TRV dans les ZNI et « transmet aux ministres chargés de l’Économie et de l’Énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d’électricité ».

En application de l’article L. 121-5 du code de l’énergie, les TRV proposés aux consommateurs dans les ZNI sont construits de manière à respecter le principe de péréquation tarifaire qui permet aux consommateurs de bénéficier des mêmes conditions financières d’accès à l’électricité malgré un coût de production et d’acheminement hétérogène d’un territoire à l’autre.

Les caractéristiques du système électrique, et par conséquent les coûts de production et les heures de forte tension, varient d’une ZNI à l’autre. Il convient donc de construire des grilles tarifaires spécifiques à chaque territoire, tout en respectant le principe de péréquation tarifaire. En effet, si la structure des TRV n’est pas cohérente avec le fonctionnement des systèmes électriques, les signaux de prix envoyés aux clients finals, et dès lors l’adaptation de leur consommation, pourraient avoir un effet limité voire inverse à l’objectif recherché.

Avec les évolutions récentes des parcs de production et les changements d’habitude de consommation des clients finals, les TRV en vigueur dans les ZNI ne sont plus adaptés. La CRE a ainsi défini de nouveaux tarifs à l’été 2017 ne concernant que les consommateurs dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA.

A l’occasion de la révision de la structure des TRV, la CRE s’est attachée à ce que les consommateurs soient incités à moduler leur consommation en fonction des coûts différenciés de production au cours d’une journée ou d’une année. Afin de lisser les impacts sur les factures, les nouveaux tarifs sont entrés en vigueur mais coexistent avec les options tarifaires en vigueur. La CRE poursuit la concertation avec les collectivités et les fournisseurs pour définir l’échéance de ces options, les méthodes de lissage vers les nouvelles options et les mesures de compensation (MDE, aides des collectivités) pour les clients les plus impactés.

La CRE étudiera l’opportunité de créer de nouveaux tarifs pour les petits consommateurs, en cohérence avec les échéances de déploiement des compteurs communicants. En effet, EDF SEI a l’obligation, d’ici 2024, de déployer des dispositifs de comptage évolué, notamment pour les utilisateurs raccordés en BT (Basse Tension) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kVA, ce qui représente 1,2 million de compteurs et 300 M€ d’investissement pour l’opérateur. Les coûts liés à ce projet entrent dans le périmètre des charges à couvrir par le TURPE. Aussi, les travaux relatifs à ce projet sont menés concomitamment aux travaux visant à déterminer le niveau des dotations versées à EDF SEI. En particulier, la CRE prévoit de mettre en place une régulation incitative portant sur les coûts, les délais et la performance à l’instar des travaux qui avaient été menés pour Linky et Gazpar. Il en sera de même pour EDM.

3. Les enjeux du déploiement des véhicules électriques dans les ZNI

Les véhicules « propres » sont devenus un enjeu européen et national en raison de la volatilité du prix des carburants fossiles et de la montée en puissance des préoccupations environnementales. Cependant, cette caractéristique de « propreté » est en lien direct avec l’énergie électrique utilisée pour le rechargement des batteries. Dans les ZNI, où les mix de production sont encore largement carbonés et où le chargement des véhicules électriques connectés au réseau conduit à la sollicitation plus intense des centrales thermiques, l’utilisation des voitures électriques reste émettrice de CO2. Elle pourrait même intensifier le niveau de pollution, étant donné que les centrales thermiques présentent des émissions polluantes plus élevées que les moteurs à combustion des véhicules conventionnels.

L’introduction du véhicule électrique impacte également la courbe de charge et en particulier la pointe de consommation du fait de la recharge simultanée de plusieurs véhicules concomitamment aux autres usages. De nouveaux investissements de production de pointe pourraient donc être nécessaires, impactant négativement le coût de la péréquation pour la collectivité et le bilan carbone des territoires, les moyens de pointe étant aujourd’hui particulièrement émetteurs.

Divers leviers économiques (octroi de mer réduit, prime de l’État en forme de bonus écologique, exonération de la taxe sur les cartes grises) ainsi que des coûts d’exploitation moins élevés que ceux d’un véhicule conventionnel incitent aujourd’hui les particuliers et les entreprises à s’équiper de véhicules électriques.

Dans ce contexte, la CRE est favorable aux initiatives des collectivités visant à accompagner intelligemment la pénétration du véhicule électrique dans les ZNI. Un pilotage fin et réactif devra inciter les utilisateurs à recharger (voire injecter sur le réseau) au bon moment. La future flotte de véhicules électriques pourrait d’ailleurs constituer un dispositif de stockage qui pourrait être exploité pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables.

Les réponses Smart Grids aux problématiques spécifiques des ZNI