Des systèmes insulaires plus contraints

Contenu mis à jour le 04/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

La Corse, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, les îles bretonnes de Molène, d'Ouessant, de Sein et l’île anglo-normande de Chausey ne sont pas connectées au réseau d’électricité continental (ou de façon limitée dans le cas de la Corse). Ces zones non interconnectées (ZNI) présentent des spécificités techniques et économiques par rapport au territoire métropolitain.

Leurs caractéristiques climatiques et géographiques, les contraintes logistiques associées ainsi que la petite taille des systèmes électriques justifient de recourir à des solutions technologiques adaptées, qui sont généralement différentes de celles développées en métropole et qui se traduisent par des coûts de production plus élevés. Les choix historiques sur ces territoires ont également conduit à un mix énergétique plus carboné. En outre, les systèmes électriques se caractérisent par une moindre résilience que le système métropolitain et par une organisation spécifique.

1. Des coûts de production élevés

Les coûts de production sont particulièrement élevés dans les ZNI et atteignent en moyenne 239 €/MWh en 2018. Ils varient d’un territoire à l’autre en fonction des caractéristiques du parc installé et du réseau.

Figure 1 : Coût de production moyen dans les ZNI en 2018

Dans le respect du principe de péréquation à l’échelle nationale, les consommateurs de ces territoires payent leur électricité au même prix que tout autre consommateur : les surcoûts structurels entre les coûts de production et les recettes tarifaires des fournisseurs historiques sont compensés au titre des charges de service public de l’énergie. Jusqu’en 2015, celles-ci étaient compensées par une contribution spécifique, la CSPE, payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité nationaux. Désormais le financement est budgétisé pour un montant annuel de l’ordre de 1,9 Md€ en 2019.

Ces coûts importants justifient une mise en œuvre volontariste d’actions de maîtrise de la demande d’électricité et l’envoi de signaux pertinents pour inciter à limiter les consommations lors des périodes de pointe.

2. Un mix très carboné malgré la croissance des énergies renouvelables

Les choix technologiques permettant d’assurer une alimentation des territoires répondant aux standards de qualité de la métropole ont modelé un mix majoritairement thermique fossile, complété d’ouvrages hydrauliques pour les territoires qui disposent des ressources adéquates. Ces choix ont été reconduits à la fin des années 2000 avec le renouvellement de l’essentiel du parc par des centrales thermiques dans un contexte d’anticipation d’une croissance soutenue de la consommation et avec une prise en compte partielle des perspectives de développement des énergies renouvelables.


Le développement de la production renouvelable a toutefois entrainé un recul de la production d’origine thermique[1], qui représente 68 % de l’électricité produite localement en 2019 contre 78 % en 2002, ceci malgré une hausse de la demande sur la même période.

Ce chiffre cache néanmoins d’importantes disparités entre territoires, la Martinique et Mayotte ayant par exemple un mix thermique carboné à plus de 90 % quand le mix guyanais repose sur ces moyens à hauteur de moins de 50%.

Figure 2 : Le mix de production électrique dans les principales ZNI en 2018

3. Une moindre résilience qui justifie une limitation de la pénétration instan-tanée des énergies renouvelables

Pour garantir la sûreté du système électrique, l’article L. 141-9 du code de l’énergie autorise les gestionnaires des réseaux de distribution (ci-après « GRD ») à déconnecter les dernières installations photovoltaïques ou éoliennes raccordées au réseau lorsque la puissance cumulée injectée par les moyens de production intermittents dépasse un seuil. En effet, la réserve de puissance disponible peut s’avérer insuffisante – ou sa constitution trop coûteuse – pour compenser la chute de fréquence en cas de baisse importante des productions intermittentes. Cette limitation est susceptible de réduire la rentabilité des installations les plus récentes et de ralentir le développement du photovoltaïque et de l’éolien dans les ZNI.

En conséquence, la CRE a :

  • demandé que le seuil soit revu et différencié par territoire, ce qui a été introduit dans les différentes programmations pluriannuelles de l’énergie (ci-après « PPE ») ;
  • recommandé de mettre en place un tarif photovoltaïque qui compense les déconnexions afin de ne pas freiner son développement d’ici à la mise en œuvre des moyens de stockage nécessaires au relèvement du seuil.

En outre, les gestionnaires de réseau concernés réfléchissent aux moyens d’augmenter régulièrement le taux maximal de pénétration des ENR intermittentes, en liaison notamment avec le développement du stockage de l’électricité.

4. Une organisation singulière du système électrique

Un cadre dérogatoire pour les « petits réseaux isolés » a été mis en place par les dispositions du troisième paquet énergie. En particulier, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer les règles relatives à la dissociation des GRD aux entreprises intégrées d’électricité qui approvisionnent de tels réseaux. La loi française a progressivement décliné la notion de « petit réseau isolé », ainsi que les dérogations qui s’appliquent à eux, à travers notamment la notion de zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

Ainsi, dans ces territoires, les opérateurs historiques, EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI) dans l’ensemble des ZNI sauf à Mayotte (Électricité de Mayotte, EDM) et à Wallis et Futuna (Eau et Electricité de Wallis et Futuna, EEWF) sont à la fois producteur, gestionnaire de réseau et fournisseur.

D’autres producteurs opèrent sur ces territoires et vendent leur électricité aux opérateurs historiques dans le cadre (i) de contrats d’achat conclus en application d’arrêtés tarifaires ou d’appels d’offres ou (ii) de contrats de gré à gré.  En 2019, ces producteurs assuraient l’essentiel (72 %) de la production de ces territoires.

(1) Production locale à partir de fioul et de charbon (y compris la part charbon des installations mixtes bagasse/charbon). L’énergie im-portée par les interconnexions en Corse n’est pas comptabilisée.

Développer du stockage pour accompagner la pénétration des énergies renouvelables intermittentes et réduire les charges de SPE