Les zones non interconnectées en 3 minutes

Contenu mis à jour le 01/12/2020

Une dizaine de territoires français insulaires ne sont pas rattachés au réseau d’électricité continental, en raison de leur éloignement géographique. Ce sont les ZNI, Zones Insulaires Non Interconnectées au réseau électrique métropolitain. Elles sont un terrain d’expérimentation pour le développement des Smart grids.

La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, les îles bretonnes de Molène, d'Ouessant, de Sein et l’île anglo-normande de Chausey, et d’une façon limitée la Corse, sont des ZNI. Quelles sont les spécificités des systèmes électriques des ZNI ?

Des coûts de production élevés

Les caractéristiques climatiques et géographiques des ZNI sont autant de contraintes logistiques. Les systèmes électriques sont de petite taille, le stockage est difficile, la production d’énergie solaire ou éolienne y est intermittente… Cela nécessite des solutions technologiques adaptées, souvent différentes de celles utilisées en métropole.

Ces aménagements spécifiques augmentent le coût de production de l’énergie. Contrairement aux pays continentaux, les ZNI n’ont pas de voisins avec qui procéder à des échanges d’énergie. Toute l’électricité consommée doit être produite sur place.

En 2016, le coût moyen de production d’électricité dans les ZNI s’élevait à environ 290 €/MWh, soit le double de celui en métropole. Pour éviter toute inégalité entre ressortissants du territoire français, une part de la CSPE (Contribution au Service Public de l'Electricité), payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité nationaux, est allouée chaque année à une péréquation tarifaire. Les consommateurs des ZNI ont ainsi un accès à l’électricité dans les mêmes conditions économiques qu’en métropole.

La petite taille des réseaux des ZNI ne permet pas l’émergence d’une concurrence dans le secteur de l’énergie. Sur ces territoires, le gestionnaire de réseau (EDF Systèmes Energétiques Insulaires, Electricité De Mayotte ou Eau et électricité de Wallis et Futuna) bénéficie d’une dérogation : il peut exercer la fonction de producteur, en concurrence avec d’autres industriels, mais doit intégrer les missions de service public de gestionnaire de l’équilibre offre/demande, de gestionnaire de réseaux de transport et de distribution, et de fournisseur.

Une transition énergétique ambitieuse 

Les choix historiques sur ces territoires ont conduit à un mix énergétique plus « carboné » qu’en métropole, même s’il varie beaucoup en fonction des ZNI ; la part d’énergie d’origines fossiles est de moins de 50% en Guyane, mais s’élève à plus de 90 % à Mayotte ou en Martinique.

Le mix de production électrique dans les principales ZNI en 2016

La loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) d’août 2015 a fixé des objectifs très ambitieux pour les ZNI : 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dès 2020 et être énergétiquement autonomes dès 2030. Les choix de développement pour remplir ces objectifs sont définis pour chaque territoire dans une Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), co-élaborée par l’Etat et les collectivités.

Ces deux objectifs sont intimement liés : évoluer vers l’autonomie énergétique grâce à une meilleure maîtrise de la consommation d’électricité, mais aussi grâce à l’intégration des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique. Or, le caractère intermittent des énergies éolienne et solaire crée, pour leur insertion sur un réseau insulaire, des difficultés techniques encore plus contraignantes que pour les grands réseaux interconnectés.

Les Smart grids au service de la transition énergétique

Compte tenu de leurs particularités, les systèmes énergétiques insulaires constituent un terrain d’expérimentation idéal pour les Smart grids. Dans un contexte de transition énergétique ambitieuse, ils peuvent jouer un rôle décisif.

Un premier exemple est la facilitation de l’usage des véhicules électriques dans les ZNI, grâce à une optimisation de la distribution et de la consommation électrique.

Les véhicules électriques possèdent une autonomie adaptée aux dimensions réduites des îles, mais elles nécessitent des recharges qui, en grand nombre et simultanément en heures de pointes, fragiliseraient encore plus l’équilibre entre offre et demande électrique.

EDF SEI (« Système Electrique Insulaire ») a mis en place un signal binaire pour piloter la charge des véhicules électriques. Les bornes de recharge délivrent des puissances plus élevées lorsque la part du renouvelable est importante dans le mix énergétique instantané du territoire. Le signal permet d’inciter les utilisateurs à recharger leur voiture en dehors des périodes de saturation sur le réseau.

Allure du signal émis par EDF SEI à la Réunion (la valeur 1 signifie que le créneau est favorable et que le recharge est conseillée, la valeur 0 signifie que le créneau est défavorable et que la recharge est à éviter si possible). (source : open data EDF SEI)

Les Smart grids peuvent également favoriser le déploiement des EnR dans les ZNI.

En 2014, le taux d’EnR injecté dans un système ne pouvait pas dépasser le seuil réglementaire de 30% du mix instantané. Au cours des dernières années, des travaux d’études sur les Smart grids ont permis de relever ces seuils en déterminant avec précision la part d’ENR que le système est capable de gérer, même en cas d’incidents. La PPE de la Martinique, publiée en 2018, fixe désormais le seuil de déconnexion des EnR à 35% du mix instantané.


Autre exemple : des démonstrateurs sur l’île de Sein et du cirque de Mafate à La Réunion ont testé l’utilisation de stockage pour atteindre des mix 100% renouvelable dans des micro-réseaux. Grâce à un algorithme de pilotage, ces systèmes peuvent fonctionner avec un mix 100% renouvelable pendant quelques heures par jour dans le cas de l’île de Sein, et jusqu’à quelques jours dans le cas du cirque de Mafate.

En conclusion

Les ZNI représentent un cas à part des systèmes électriques français. La production doit s’adapter aux particularités climatiques et géographiques des territoire, et elle est plus coûteuse qu’en métropole. Pour assurer l’autonomie énergétique des ZNI, l’Etat mise en partie sur les énergies renouvelables. Les Smart grids peuvent favoriser cette transition, par exemple en facilitant le développement du parc de véhicules électriques, en augmentant le seuil d’injection des Enr dans le système électrique, ou encore en développant des méthodes de stockage localisés d’EnR.