Introduction : le biométhane, une énergie renouvelable pour les territoires dans la transition énergétique

Contenu mis à jour le 01/12/2020

Cette section a été rédigée par

La Commission de régulation de l'énergie

1. Le contexte de développement du biogaz et du biométhane

La production de biogaz participe à la tenue, par la France, de ses engagements en matière de production d’énergie renouvelable sous la forme d’électricité, de chaleur et de carburant (Paquet Climat-Energie 2020, directive européenne 2009/28/CE, loi Grenelle 2010, plan national d’action en faveur des EnR 2010, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) 2015, loi Energie-Climat 2019). Sa valorisation permet de diminuer les consommations d’énergie fossile, de participer à la démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de restituer de la matière organique aux sols lors de l’épandage du digestat (résidu issu du procédé de méthanisation, à l’état solide ou liquide).

Le développement de la filière biogaz, et en particulier de la méthanisation agricole encourage le traitement des effluents et des déchets agricoles et favorise une meilleure gestion de l’azote d’origine organique. De son côté, la valorisation énergétique du biogaz assure un complément de revenu aux exploitants d’unités de production de biogaz, par la revente de l’électricité, de la chaleur ou du gaz (biométhane).

Plus généralement, la filière biogaz permet la valorisation des déchets organiques (déchets ménagers, agricoles, agro-industriels, boues d’épuration urbaines), participant ainsi aux objectifs nationaux de réduction de mise en décharge de la matière organique, de création d’emplois locaux, et de développement de l’économie circulaire pour les déchets.

L’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel est un procédé de valorisation du biogaz en pleine émergence en France. Son développement s’appuie sur les exemples de pays européens ayant déjà une expérience en matière d’injection (Allemagne, Suisse, Autriche par exemple).

A partir des conclusions d’un groupe de travail national sur l’injection, dont la co-animation a été confiée à l’ADEME et GRDF depuis mai 2010, l’État a formalisé un cadre juridique et tarifaire pour le biométhane qui a été publié fin 2011, et complété en 2013 et 2014. Par la suite, le groupe de travail national chargé d’accélérer le développement de la méthanisation, dit « groupe de travail Lecornu », a travaillé à identifier les freins à ce développement et à proposer des pistes pour les lever. Les recommandations de ce groupe de travail, présentées en mars 2018, ont conduit à introduire dans la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGalim, un principe nouveau de droit à l’injection pour les producteurs de biogaz.

Aujourd’hui, la France dispose d’un cadre réglementaire complet :

  • des décrets et arrêtés définissant les conditions de vente du biométhane, la compensation des charges de service public portant sur l’achat de biométhane, les conditions de contractualisation entre producteurs de biométhane et fournisseurs de gaz naturel, les modalités de désignation de l’acheteur de biométhane de dernier recours, la nature des intrants ;
  • un arrêté définissant le tarif d’achat pour le biométhane ;
  • un arrêté définissant les garanties que ce biométhane est d’origine renouvelable (« garanties d’origine ») ;
  • un décret et un arrêté précisant les modalités de mise en œuvre du droit à l’injection, et notamment les conditions technico-économiques qui circonscrivent ce dernier.

La CRE a précisé dans une délibération du 14 novembre 2019 les conditions de mise en œuvre des dispositifs concernant les conditions de raccordement aux réseaux de gaz.

2. Le processus de production du biogaz/biométhane

Le biogaz, issu de la dégradation de matières organiques en l’absence d’oxygène, est un gaz renouvelable, principalement composé de méthane : en moyenne 60 % de méthane, 30 % de dioxyde de carbone et 10 % de gaz résiduels (notamment, vapeur d’eau et sulfure d’hydrogène).

Ce biogaz peut provenir de deux sources :

  • soit de la dégradation des matières organiques stockées dans les Installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) ;
  • soit être produit par la méthanisation de matières organiques non ligneuses dans un digesteur.

Les matières organiques dont la dégradation produit du biogaz sont nombreuses : effluents d’élevage, résidus de l’activité agricole, déchets organiques des ménages, déchets biodégradables des grandes surfaces ou de la restauration, boues de stations d’épuration, déchets ou co-produits d’industries agroalimentaires, tontes de pelouses des collectivités, etc.

Dans le procédé de méthanisation, une partie de la matière organique et la matière inorganique ne se dégradent pas et sont récupérées en sortie : il s’agit du digestat. Ce résidu peut avoir les qualités agronomiques requises pour remplir les fonctions de fertilisation et d’amendement, en substitution des engrais chimiques. Ce digestat peut alors être épandu sur les sols agricoles.

Après production du biogaz, ce dernier peut subir une phase d’épuration afin de produire du biométhane.

Le biométhane est un biogaz ayant subi une étape d’épuration – c’est-à-dire d’élimination des gaz autres que le méthane – de sorte à ce qu’il présente une teneur en CH4 de l’ordre de 85 à 100 %.

Il existe différents procédés pour épurer le biogaz notamment l’adsorption par variation de pression (Pressure Swing Adsorption - PSA), le lavage à l’eau, le lavage aux amines ou encore la séparation par membrane.

3. Les usages du biogaz/biométhane

L’épuration et l’enrichissement du biogaz permettent d’augmenter sa concentration en méthane afin d’atteindre un niveau de qualité équivalente à celle du gaz naturel. Ce « biométhane » est alors injecté dans le réseau de gaz où il est parfaitement miscible avec le gaz naturel déjà présent sur les réseaux. 

La valorisation énergétique du biogaz permet d’exploiter le potentiel énergétique de la matière organique des déchets, tout en assurant, par la méthanisation, un traitement et le retour au sol de cette même matière organique. 

Différents équipements de valorisation peuvent être utilisés, après un traitement préalable du biogaz, par condensation, refroidissement et déshydratation, ou après un traitement plus poussé destiné à éliminer les composés indésirables (siloxanes, sulfure d’hydrogène) :

  • les chaudières à combustion directe : c’est le moyen le plus simple pour utiliser le biogaz qui est brûlé pour une production de chaleur sur le site, ou transporté par canalisations vers un utilisateur final ;
  • les moteurs de cogénération d’électricité et de chaleur : c’est la valorisation standard du biogaz en France, avec un rendement de production énergétique d’environ 85 %. Néanmoins, la valorisation de la chaleur reste tributaire de l’existence de débouchés à proximité du site de production de biogaz ou limités dans le temps ;
  • les turbines à gaz : pour des installations de puissance installée importante, le biogaz peut être brûlé dans des turbines à gaz et transformé en électricité. Pour des petites puissances (< 200 kWe), des « micro-turbines » sont disponibles. Le rendement énergétique est plus faible (< 30 %) mais les turbines nécessitent moins d’entretien que les moteurs ;
  • l’injection dans le réseau de gaz naturel : c’est le mode de valorisation considéré comme le plus intéressant d’un point de vue énergétique. Le biogaz est épuré et enrichi avant d’être distribué dans le réseau de gaz naturel. Il peut aussi être compressé avant d’être utilisé comme carburant pour véhicules. L’injection de biométhane est limitée par la capacité d’absorption du réseau de gaz naturel (elle-même directement liée à la consommation des usagers). 

Le choix du mode de valorisation énergétique du biogaz est dépendant de son contexte de production, des conditions d’exploitation, des substrats traités, etc. Il est préférable de choisir une solution de valorisation où le potentiel énergétique du biogaz peut être utilisé à son maximum, et au meilleur coût pour la collectivité. Une combinaison des modes de valorisation, par exemple la production d’électricité et l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, peut alors s’avérer judicieuse. 

4. Le potentiel de production

Une étude d’estimation des gisements potentiels de substrats utilisables en méthanisation a été menée par l’ADEME en 2013 dans le but d’en déterminer le gisement mobilisable en 2030. Les ressources prises en compte sont les ressources agricoles (effluents d’élevage, résidus de cultures, cultures intermédiaires à vocation énergétique, les ressources d’industries agro-alimentaires (IAA) par secteurs d’activités, les ressources de l’assainissement, les déchets verts, les biodéchets des ménages et les biodéchets de la restauration, des petits commerces, de la distribution et des marchés).

Le gisement global mobilisable en 2030 pour la méthanisation est évalué à 130 millions de tonnes de matière brute soit 56 TWh d’énergie primaire en production de biogaz. Il est composé à 90 % de matières agricoles.

5. Les perspectives de développement à l’horizon 2030

Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) soumis à consultation publié en avril 2020en janvier 2019 prévoit un objectif de 6 TWh de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel à l’horizon 2023 et fixe un objectif de 14 à 22 TWh d’ici 2028. Le Comité de prospective de la CRE, dans son rapport publié le 9 juillet 2019, au terme d’une analyse réunissant les acteurs du secteur de l’énergie et du secteur agricole, estime qu’un potentiel de 39 à 42 TWh est atteignable en 2030. 

L’atteinte de ces objectifs est, d’une part, conditionnée à la disponibilité des ressources mobilisables in fine pour la production de biométhane et, d’autre part, susceptible de nécessiter des investissements importants dans l’adaptation des réseaux de transport et distribution de gaz naturel.

Quel cadre d’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel ?