De la R&D à l’industrialisation des Smart grids en 3 minutes

Contenu mis à jour le 05/12/2020

1. L’industrialisation en point de mire

Le développement d’une innovation passe par quatre étapes successives : la recherche et le développement, l’expérimentation, l’industrialisation et, enfin, le déploiement. Le processus de R&D, et plus particulièrement le stade du développement expérimental est une étape essentielle à l’industrialisation des Smart grids.

1.1. Les étapes de la R&D pour les Smart grids

Schématiquement, la recherche et développement se présente comme un processus qui regroupe des activités répondant à des objectifs différents :

  • la recherche fondamentale désigne l’ensemble des travaux entrepris par pur intérêt scientifique ;
  • la recherche appliquée englobe des travaux pour discerner les applications possibles de travaux de recherche fondamentale ou pour trouver des solutions nouvelles pour atteindre un objectif déterminé à l’avance ;
  • le développement expérimental vise à tester, au moyen de prototypes ou d’installations pilotes, des solutions techniques poue commercialiser de nouveaux produits, établir de nouveaux procédés ou  améliorer les existants

Concernant les Smart grids, le stade expérimental se matérialise généralement par la création de « démonstrateurs ». Les porteurs de projet forment une alliance industrielle chargée de développer un prototype. Ce regroupement leur permet, le cas échéant, de solliciter des dispositifs de financement publics ou privés. À ce jour, la CRE a recensé plus de 150 projets de démonstrateurs depuis 2012.

Répartition des démonstrateurs Smart grids par région (Source : CRE)

1.2. Expérimenter pour industrialiser

Au terme de la phase d’expérimentation, le retour d’expérience (« REX ») est essentiel à la réussite du déploiement de l’innovation. L’objectif est de dégager un modèle économique viable et de lever les obstacles technologiques, économiques et juridiques au déploiement. Le retour d’expérience se matérialise, à la fois, par une analyse coûts/bénéfices de la mise en œuvre de la nouvelle solution et par une étude plus qualitative des difficultés rencontrées et des bénéfices prospectifs.

Ce retour d’expérience peut, par exemple, contribuer aux réflexions sur :

  • l’échelle de déploiement de la solution testée : elle varie selon les technologies Smart grids expérimentées. Par nature, le déploiement d’un compteur évolué auprès de millions d’utilisateurs ne peut être envisagé de la même manière que celui d’un système de stockage dont les cas d’utilisation sont ciblés ;
  • la nécessité d’engager un processus de normalisation : qui est un vecteur de diffusion de l’innovation vers le marché et un outil de compétitivité pour les entreprises. Soucieuse d’encourager l’expérimentation, la CRE a souhaité la création d’un « bac à sable réglementaire ». Créé par la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019, ce dispositif autorise la CRE à accorder des dérogations au cadre juridique en vigueur pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux intelligents. Ces dérogations concernent les conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations.

2. Soutenir la R&D : la question du financement

Les sources de financement pour les travaux de recherche et développement sont aussi nombreuses que variées. Les solutions de financement proposées diffèrent en fonction du niveau de maturité des technologies développées et de l’échelon territorial financeur.

2.1. Les aides publiques

Des aides au financement sont proposés, par les pouvoirs publics selon les cas, au niveau local, régional, national ou européen. À titre d’exemple :

  • le Programme d’investissements d’avenir (PIA) créé en 2010 par l’État pour financer des projets d’investissements innovants et prometteurs sur le territoire. Sa dotation s’élève à 57 M€ depuis sa création. L’ADEME gère quatre programmes dans le cadre du PIA et a ainsi une aide financière à 26 projets Smart grids à la suite cinq Appels à manifestations d’intérêt (AMI) et Appels à projets (AAP) ;
  • le Fonds européen de développement régional (FEDER) créé par l’Union Européenne finance la croissance intelligente, durable et inclusive. En France, pour la période 2014-2020, le FEDER représente 9,5 Md€ dont la gestion est confiée aux conseils régionaux, chacun ayant la gestion d’un programme FEDER. En parallèle, de nombreux démonstrateurs Smart grids ont bénéficié de fonds européens via le programme cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » doté de 80 Md€ sur 7 ans (2014-2020). Le programme « Horizon Europe » lui succédera pour la période budgétaire 2021-2028 ;
  • les collectivités territoriales, en particulier les régions, peuvent aussi participer au financement de projets Smart grids.

2.2. Les financements privés

Les acteurs privés, dans le cadre de leur budget de recherche et développement investissent directement dans des projets Smart grids. À titre d’exemple, le projet IssyGrid a été entièrement financé par les porteurs de projets, un consortium composé de Bouygues Énergies & Services, Bouygues Immobilier, Bouygues Télécom, EDF, Enedis, General Electric, Microsoft, Schneider Electric, Sopra Steria et Total, pour un budget total de 2,5 M€.

Des concours sont aussi régulièrement organisés qui récompensent des solutions technologiques Smart grids, tel que les concours Smart Grid Awards ou Make Smart grids great together organisés par Enedis. Les lauréats peuvent selon les cas bénéficier d’une aide financière ou d’un accompagnement par les acteurs à l’origine du concours.

2.3. Les dépenses de R&D des acteurs régulés

Les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel sont directement concernés par l’impact du développement des EnR et des nouveaux usages (véhicule électrique, autoconsommation etc.) sur les réseaux. Pour leur donner les moyens nécessaires à la nécessaire modernisation des réseaux, la CRE a mis en place un cadre tarifaire favorable à la R&D, en particulier dans les Smart grids. Ce mécanisme de régulation incitative prévoit que les dépenses de R&D, notamment pour les réseaux intelligents, sont entièrement couvertes en fonction d’une trajectoire budgétaire fixée par la CRE pour chaque période tarifaire. Les budgets destinés à la R&D mais non utilisés par les opérateurs sont restitués aux utilisateurs des réseaux. L’objectif est d’inciter les gestionnaires de réseaux (RTE, Enedis, GRTgaz, Terega et GRDF) à réaliser les projets annoncés et à éviter que les gains de productivité ne se fassent au détriment de l’innovation.

Pour aller plus loin, la CRE a introduit dans le TURPE 5 un « guichet Smart grids », qui permet à RTE et Enedis de demander une fois par an, l’intégration des surcoûts de charges d’exploitation relevant d’expérimentations Smart grids à la trajectoire des dépenses de R&D. Ce dispositif sera étendu à GRTgaz, Terega et GRDF à compter du 1er juillet 2020, date de l’entrée en vigueur de l’ATRT 6 et de l’ATRD 6.