Une diversification progressive du mix énergétique

Contenu mis à jour le 04/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

Depuis le premier choc pétrolier en 1973, le Japon a cherché à diminuer sa dépendance au pétrole en promouvant l’énergie nucléaire, le gaz naturel et le charbon comme énergies alternatives. Cette politique a permis au Japon en 2010 de diversifier son mix énergétique : charbon à 22.5% ; gaz naturel à 19.2% ; nucléaire à 11.1%. Sa dépendance au pétrole comme source primaire a ainsi significativement baissé de 75.5% en 1973 à 40.3% en 2010.

1. L’accident de Fukushima, un élément déclencheur de transformations du système énergétique

La succession d’événements le 11 mars 2011 ayant entrainé l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima Daiichi a bouleversé la politique énergétique du pays. L’une des conséquences premières a ainsi été l’arrêt complet des 54 réacteurs nucléaires entre septembre 2013 et août 2015, conduisant à une augmentation des importations en énergie fossile. Cette situation a rendu le pays très énergétiquement dépendant, notamment du pétrole brut en provenance du Moyen-Orient (86,4 %) et du charbon d’Australie (75,5%). Cela a également conduit à une hausse des émissions de gaz à effet de serre qui s’élève à 1 307 millions tCO2 en 2016et une flambée des prix de l’électricité. Les émissions de gaz à effet de serre ont en revanche baissé en 2017 à 1 190 millions de tonnes de CO2. Cette baisse s’explique par l’augmentation de la part des combustibles non fossiles dans l’approvisionnement énergétique, notamment des énergies renouvelables et de la reprise du fonctionnement des centrales nucléaires. Les tarifs de l'électricité ont en effet culminé en 2014, lorsque les tarifs pour les ménages ont augmenté d'environ 24% et de 38% pour les industries par rapport à 2010, situant le Japon dans une fourchette très haute par rapport aux autres pays de l’OCDE. Bien que le coût soit à la baisse, les tarifs de l'électricité pour ces deux catégories restent aujourd’hui supérieurs de 10% à ceux de 2010.

Ce contexte a conduit le gouvernement à diversifier le mix énergétique qui restait en 2016 encore fortement marqué par l’accident, son mix étant alors composé à 89 % d’énergies fossiles (40 % de pétrole, 25 % de charbon et 24 % de gaz), 10 % de renouvelables et 1 % de nucléaire.

Le mix énergétique japonais (Source : METI)

2. Une révision peu novatrice de la stratégie de la politique énergétique 2018

Le gouvernement a approuvé le 3 juillet 2018 la nouvelle stratégie de politique énergétique, révisée tous les trois ans depuis 2002 et qui sert de base à l'orientation de la nouvelle politique énergétique du pays à l'horizon 2030 et 2050, prenant en compte l'évolution des environnements énergétiques au Japon et à l'étranger. Cette nouvelle stratégie ne révise toutefois qu’à la marge la stratégie antérieure développée en 2014. Néanmoins, elle inclut un scénario non quantifié à l’horizon 2050 qui doit marquer un « virage énergétique » et permettre d’atteindre une société bas carbone à l’aide d’innovations technologiques.

La politique énergétique du Japon repose sur une stratégie dite « 3E+S » (sécurité énergétique, efficacité économique, environnement + sûreté) marquée par une volonté d’augmenter la part des renouvelables, de redémarrer les centrales nucléaires, et de promouvoir l’efficacité énergétique, l’hydrogène et les technologies de stockage de l’énergie. Ceci dans un contexte marqué par les accords et objectifs internationaux sur le climat auxquels le pays est lié et par l’intégration de nombreux enjeux à venir (déclin démographique, concentration urbaine, centrales électriques virtuelles, internet des objets (IoT)).

Évolution du mix électrique du Japon de 2010 à 2018 (Source : IEEJ)

Pour 2030, les objectifs restent inchangés comparés au plan de 2015. Le mix énergétique se composera à :

  • 76% d’énergies fossiles (33% de pétrole, 25% de charbon, 18% de gaz) ; 
  • 13-14% de renouvelables ;
  • 10-11% de nucléaire.

Le mix électrique se composera quant à lui de 22-24% d’énergies renouvelables et 56% d’énergies fossiles (27% GNL, 3% pétrole, 26% charbon), part qui reste donc considérable dans le mix énergétique. La part du nucléaire est quant à elle estimée à 20-22%.

Le nouveau plan met l'accent sur le renforcement de ces efforts pour garantir des résultats concrets continus à l'horizon 2030. Vers 2050, le nouveau plan vise à réaliser les transitions énergétiques et la décarbonisation, se traduisant par l’élimination des centrales à charbon les moins efficaces, la volonté de développer l’utilisation du carbone capturé et stocké (CCUS) et les systèmes énergétiques décentralisés, le développement énergétique régional et la mobilisation des énergies renouvelables pour la production de chaleur/froid et dans les transports. 

Le livre blanc sur l’énergie, adopté en juin 2019 par le gouvernement, indique que le Japon doit faire face à une « tâche urgente », celle de réduire les émissions de carbone provenant des combustibles fossiles qui se sont substituées à l’énergie nucléaire non émettrice de CO2.
La réduction drastique des émissions de C02 nécessiterait d’électrifier la demande énergétique et de décarboner les sources d’énergie, en se tournant vers les énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire. D’ici 2050, la demande d’électricité du Japon pourrait augmenter d’environ 25% par rapport aux niveaux de 2013.

3. La relance de la production nucléaire marque la place centrale de l’atome

Si le gouvernement japonais a indiqué vouloir réduire autant que possible la part d’énergie nucléaire dans la nouvelle stratégie de politique énergétique de 2018, celle-ci s’élève toutefois à 20-22% en 2030, traduisant ainsi une volonté de renouvellement du parc nucléaire en vue d’assurer une certaine indépendance énergétique, une réduction des coûts énergétiques et des émissions de CO². Si le nouveau plan précise que la dépendance au nucléaire doit être réduite « autant que possible », le gouvernement présente néanmoins cette énergie comme indispensable afin d’assurer un approvisionnement sans failles, de réduire les coûts énergétiques et les émissions de CO2 du pays.

On retient ainsi qu’aucune nouvelle centrale nucléaire n’est prévue, ni de remplacement de celles arrivant en fin de vie. Il est prévu que le gaz naturel liquéfié permette d’accroitre la liquidité du marché et de faciliter la concurrence. Le nouveau plan s’articule autour de trois objectifs principaux :

  1. augmenter le taux d’autosuffisance énergétique du Japon. Celui-ci avait largement chuté après les évènements de mars 2011, de 20,2% en 2010 à 6,4% en 2014 avant de remonter à 8,3% en 2016. L’objectif est de 24% en 2030 ;
  2. empêcher de nouvelles hausses de prix de l’électricité après que les prix pour les utilisateurs industriels ont grimpé de 40% en 2014 par rapport aux niveaux de 2010 en raison du système de tarif d’achat garanti pour les énergies renouvelables (qui dépassera les 2 400 milliards de yen en 2019) et de la hausse des coûts des combustibles fossiles pour compenser les arrêts nucléaires;
  3. cibler des mesures d’atténuation du réchauffement de la planète comparables à celles des États-Unis et d’Europe. L’objectif de réduction de la demande d’énergie via une amélioration de l’efficacité énergétique demeure également au même niveau : -35% par rapport à 2013.

La vérification de la sûreté des centrales nucléaires conformément aux nouvelles normes de sûreté s’est prolongée, seulement neuf réacteurs ont repris leurs activités commerciales. Sur les 54 réacteurs commerciaux que le Japon possédait avant le tremblement de terre de 2011, le nombre de réacteurs en service a été réduit à 34 après soustraction des réacteurs mis hors service par les exploitants. Les entreprises ont été confrontées à des coûts d’amélioration de la sécurité en constante augmentation et à un environnement commercial incertain. Le ratio de production d'électricité à partir de combustibles fossiles continue de représenter plus de 80% du total, les émissions de dioxyde de carbone provenant de la production d'électricité restant supérieures à ce qu'elles étaient avant le séisme de 2011.

4. Une politique des énergies renouvelables plus volontariste

La part de la production totale d’énergie renouvelable au Japon a progressivement augmenté : d’environ 12% en 2014, elle a atteint plus de 17% en 2018 avec une augmentation d'environ un point chaque année. La part d'énergie solaire photovoltaïque produite est passée de 5,7% en 2017 à 6,5%, résultat très proche de la valeur cible de la nouvelle stratégie énergétique du gouvernement 2018 pour 2030. Avec la part d'énergie éolienne de 0,7%, la part des énergies renouvelables est passée de 6,3% en 2017 à 7,2%. Concernant les sources d'énergie renouvelable autres que le solaire photovoltaïque, l'énergie éolienne et la production d'énergie à partir de biomasse, elles ont augmenté d'environ 10%, tandis que la production des centrales hydroélectriques et géothermiques est restée identique.

Évolution de la production d’énergies renouvelables de 2014 à 2018 (Source : ISEP/METI)

Ce développement accru des énergies renouvelables au Japon a été facilité par la mise en œuvre du tarif d’achat (Feed In Tariff dit FIT) en 2012, obligeant les détaillants à acheter de l'électricité produite à partir de sources alternatives à des prix fixes pendant certaines périodes déterminées par le gouvernement, à quelques exceptions près. Les capacités installées de production d’EnR opérationnelles ont ainsi augmenté à un rythme moyen de 29 % par an. L’hydroélectricité et l’énergie solaire représentent une part majeure de la production renouvelable. La filière solaire a en effet connu un succès certain comparé aux autres types d’énergies renouvelables dont la croissance a été plus modeste et le potentiel encore insuffisamment exploité (éolien, biomasse et géothermie).

Néanmoins, le gouvernement a baissé le tarif d’achat en 2015 en raison du surcoût de la facture énergétique des consommateurs individuels et des entreprises estimé à un montant pour le ménage moyen de 686 ¥ (moins de 6 euros) par mois. En mai 2016, le gouvernement a ainsi fait voter une loi afin de restreindre l’impact budgétaire de cette politique de soutien en introduisant notamment un mécanisme d’enchères sur certains types de projets.

Pour l’heure, le pays fait face à des infrastructures encore peu adaptées à une introduction plus poussée des énergies renouvelables en termes de structure du réseau électrique, mais aussi en raison du manque de maturité des technologies de stockage, d’un manque d’espace pour les installations solaires et d’une opposition au développement de la géothermie. A noter que le METI a entamé l'examen du mécanisme du FIT et la discussion sur les futures politiques en matière d'énergie renouvelable en avril 2019, afin de réviser les règles du FIT d’ici mars 2021. Le METI prévoit de rationaliser un nouveau système afin de maintenir la compétitivité de ces projets. Les opérateurs d'énergie solaire et éolienne devraient également vendre leur électricité par le biais de ventes négociées ou sur les marchés de gros de l'énergie électrique. Par ailleurs, le développement des énergies renouvelables se couple avec l’extension des réseaux de transport d’énergie et le stockage d’électricité dans les batteries.

En complément de cette politique des énergies renouvelables, a été annoncé le « Plan d'action du secteur de l'électricité pour une société à faibles émissions de carbone » en juillet 2015. Ce plan fixe un objectif non contraignant un facteur d'émissions de 370 g CO2/kWh d'ici 2030 grâce à des efforts volontaires, notamment pour améliorer l'efficacité des centrales thermiques. 

Une libéralisation du marché progressive mais affirmée