Le pilotage de la recharge, un défi en termes d’expérience utilisateur

Contenu mis à jour le 14/12/2020

Cette page a été rédigée par GIREVE.

Développement des énergies renouvelables, massification de l’électromobilité, maîtrise de la demande en énergie : les composantes essentielles de notre transition énergétique ont toutes en commun un défi de taille : celui du pilotage en temps réel comme en anticipé des consommations & productions d’énergie à une échelle tantôt nationale et tantôt très locale. Ce pilotage est désormais une condition sine qua none pour optimiser les investissements de la collectivité sur les infrastructures réseaux. Dans ce contexte, l’utilisation des flexibilités par les acteurs du système électrique est au cœur des réflexions des acteurs du domaine de l’énergie. Outre, les défis techniques et organisationnels qu’elle sous-tend, les usagers finaux auront un rôle déterminant à jouer dans les mécanismes d’accès à de telles flexibilités : la qualité de leur expérience sera clé.

1. Le parc de véhicules électriques : une source de flexibilités locales précieuse pour le réseau public, à condition d’en piloter ses recharges

Si la dynamique d’évolution du parc de véhicules électriques est encore incertaine, plusieurs scénarios très contrastés sont néanmoins à l’étude par les acteurs de la filière automobile et projettent d’ores et déjà d’atteindre, dès 2025, 1.1 Millions de véhicules électriques en France. Les dernières années confirment d’ailleurs ce début d’expansion. Les immatriculations de véhicules légers électriques et hybrides rechargeables en France ont considérablement augmenté ces dernières années, passant de 43 600 en 2014 à plus de 290 000 en 2020. La croissance du parc de véhicules électriques n’est plus en question et permet notamment d’offrir des formes de flexibilités locales qui sont au cœur des réflexions des acteurs du système électrique.

En Octobre 2018, une publication de la CRE a présenté les enjeux que représente un parc de véhicules électriques. La CRE note que sa croissance pourrait présenter des enjeux en termes de puissance appelée mais que cet appel de puissance serait absorbable par le système électrique à condition qu’un pilotage ait été mis en place, et que les acteurs aient été incités le plus tôt possible à un comportement adéquat. En effet, selon les études menées par RTE, les différentes simulations montrent que si un pilotage est mis en place (60 % du parc piloté, dont la moitié via un signal tarifaire et l’autre moitié via un signal plus fin), le système électrique est alors capable d’absorber cet appel de puissance.

Vu des acteurs du système électrique, le parc de véhicules électriques est dorénavant clairement considéré comme une réserve de flexibilités locales supplémentaires incontournable, nécessitant la mise en place de dispositifs de pilotage.

Ces flexibilités peuvent s’envisager à deux niveaux : en injection (injection de puissance active ou réactive) comme en soutirage (modulation de puissance active ou réactive), en réponse à des besoins des réseaux (contraintes d’intensité ou contraintes de tensions).

Le projet aVEnir

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2. Quelles sont les fonctions de pilotage a mettre en place et quelles seront leur incidence sur l’expérience utilisateur du service de la recharge ?

Un premier type de pilotage consiste à synchroniser les recharges des véhicules avec des périodes de forte production photovoltaïque ou éolienne. Ce pilotage permettrait par exemple à terme d’éviter l’écrêtement de ces productions et favoriser ainsi la croissance de la production d’énergie renouvelable dans notre mix énergétique. On parle dans ce cas de fonctions smart charge de type « décalage de recharge » : synchroniser les périodes de recharge avec des périodes de production d’énergies renouvelables, via l’utilisation d’un signal le plus souvent tarifaire : (le conducteur retarderait ou anticiperait sa recharge car elle lui serait proposée à un coût avantageux) ou simplement incitatif (le conducteur pourrait être récompensé du fait adopter un comportement vertueux) 

Un second type de pilotage consiste à moduler la puissance de recharge des véhicules de façon ciblée, à une maille réseau en contraintes, en temps réel ou proche du réel. Cette modulation de puissance peut s’envisager à la hausse comme à la baisse, au travers d’offres de raccordement adaptées proposées par le gestionnaire de réseaux (ORI -Offres de Raccordement intelligentes) et/ou au travers de dispositifs d’appels à flexibilités pour répondre à des besoins locaux et ponctuels du réseau de distribution. Dans une offre de raccordement dite intelligente, le propriétaire du site de recharge se verrait proposer des modalités de raccordements attractives sous réserve d’un engagement de sa part à moduler, sur certaines périodes prédéfinies, la puissance maximale appelable par son infrastructure de recharge. De telles offres dépendraient alors très probablement des besoins et capacités d’accueil du réseau existant. On parle dans ces cas de fonctions smart charge de type « modulation de puissance ».

À noter qu’une modulation de puissance pourrait avoir pour incidence de réduire voire d’annuler totalement, ponctuellement la consommation d’énergie d’un site de recharge.  On parle dans ce cas plus simplement de fonctions smart charge de type « effacement » : l’opération de pilotage consiste alors à effacer sur demande de réseau public d’électricité, des recharges de véhicules initialement programmées.

Enfin un troisième type de pilotage consiste à exploiter les capacités de stockage du véhicule électrique pour stocker ou réinjecter de l’énergie directement sur le réseau public d’électricité. Les véhicules électriques pourraient être dans ce cas utilisés pour faciliter l’équilibrage offre / demande, ou répondre à des contraintes ou opportunités ponctuelles des réseaux. On parle dans ces cas de fonctions smart charge de type « Vehicle-to-grid (V2G) » : les véhicules électriques rendent des services aux réseaux en utilisant leurs capacités de stockage et/ou d’injection. Un tel pilotage semble envisageable à condition que les besoins de recharge des véhicules soient reportables et qu’ils restent suffisamment longtemps branchés à des bornes.

Une telle énergie effacée, stockée ou réinjectée pourrait alors être valorisée sur les différents marchés actuellement en place ou susceptibles d’émerger à des mailles plus locales, comme le projet Atlas en Vendée, qui prend la suite du démonstrateur Smart Grid Vendée et qui vise à bâtir un nouveau modèle de gestion locale de l’électricité.

L’ensemble de ces types de « services de recharge pilotés » semble particulièrement adapté à des groupements de points de charge accueillant un nombre significatif de véhicules, sur des durées de stationnement élevées : parking en entreprise, parking flottes, des parkings ouverts au public, ou parkings copropriétés.

Les défis sont de taille et la mise en œuvre concrète de telles fonctions de pilotage énergétique de la recharge se heurte à plusieurs obstacles : la faisabilité technique, l’architecture des solutions, les modèles d’affaires, et bien évidemment l’expérience à proposer aux usagers finaux conducteurs de véhicules électriques pour rendre possible de tels mécanismes.

Les grandes questions qui demeurent sont notamment : Comment concilier un service de mobilité de qualité aux usagers finaux, en termes de facilité d’accès, de tarif, de rapidité, ou d’urgence de la recharge tout en implémentant ces mécanismes de pilotage ? Le conducteur peut avoir besoin de se recharger dès que possible ou peut, au contraire, varier son besoin en fonction des opportunités proposées et du niveau de batterie de sa voiture… autant de cas clients à considérer, désormais au cœur des réflexions et qui mèneront à définir les offres de services de mobilité adaptées.

Le défi est d’autant plus important si l’on considère l’impératif de généralisation à grande échelle de ces nouvelles expériences de recharge. Se pose alors la question de la règlementation, de la généralisation et de la normalisation des modalités de pilotage.

Nombre de projets expérimentaux et de démonstration témoignent de ces préoccupations en France et à l’international (Projet aVEnir, EcoFlot, SmartGrid Vendée, GreenFeed, So MEL, SO connected, SMAC, BienVenu, etc.).

À noter enfin que l’ensemble des dispositifs de pilotage décrits précédemment (« décalage de recharge », « modulation de puissance », « effacement », ou « V2G ») peut également tout à fait s’envisager à des fins de pilotage de systèmes électriques locaux (Bâtiments, Quartiers ou Microgrids) indépendamment donc des réseaux publics d’électricité et des enjeux de maitrise des investissements réseaux. Leurs finalités seront différentes (Optimisation de la gestion d’énergie d’un site, maitrise de la facture énergie…) mais les incidences pour les usagers pour qu’ils prennent part à ce pilotage seront similaires.

Interopérabilité des services de recharge sur les infrastructures ouvertes au public, du tertiaire et de l’habitat collectif