La valeur de l’autoconsommation pour les réseaux électriques

Contenu mis à jour le 07/12/2020

Cette section a été rédigée par

La Commission de régulation de l'énergie

Si l’autoconsommation est bénéfique pour le système électrique en ce qu’elle contribue à l’atteinte des objectifs de pénétration des EnR fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, les bénéfices et/ou les coûts qu’elle génère pour les réseaux sont à ce jour difficilement quantifiables.

1. Enjeu pour le dimensionnement des réseaux publics de distribution

Les autoconsommateurs ne soutirent de l’électricité qu’en complément de ce qui est autoproduit. Suivant leur profil de consommation, ils seront amenés à soutirer du réseau soit uniquement en appoint ou en secours, soit de manière plus substantielle et régulière, si leurs besoins sont importants au moment où la production locale n’est pas disponible ou suffisante.

La CRE a partagé dans sa délibération du 7 juin 2018 relative à l’autoconsommation[1] les éléments de réflexion suivants sur les éventuels bénéfices ou risques de l’autoconsommation pour les réseaux de distribution.

En BT, la pointe de soutirage reste dimensionnante dans la plupart des poches du réseau. Or, une installation en autoconsommation ne permet pas de réduire cette pointe lorsqu’elle est atteinte en début de soirée (heures pleines d’hiver sans soleil), sauf si elle est équipée d’un dispositif de pilotage et de stockage. Ainsi, l’autoconsommation sans stockage ni pilotage ne permet en général pas de réduire les coûts d’investissement dans les réseaux en basse tension. La seule exception concerne les zones du territoire où la pointe de consommation se situe pendant les heures de rayonnement solaire (certaines stations balnéaires par exemple). Le stockage renchérit par ailleurs à ce jour très significativement le coût d’une installation, si bien que les bénéfices qu’il apporte aux réseaux par la réduction de la pointe de soutirage peuvent être inférieurs à son coût. L’autoconsommation associée au stockage est encore rare, en revanche, le pilotage, en particulier de l’eau chaude sanitaire, est plus courant.

En HTA, les réseaux d’Enedis sont en général dimensionnés sur les 500 heures les plus chargées. Il est donc possible que l’autoconsommation individuelle contribue à faire baisser les coûts d’infrastructure des réseaux en moyenne tension, en faisant baisser les soutirages pris en compte par Enedis sur ces heures. Toutefois, la production décentralisée, y compris celle participant à une opération d’autoconsommation collective, n’est à ce jour pas prise en compte par Enedis lorsqu’elle calcule la sollicitation des ouvrages de réseau due aux soutirages. Les méthodes actuelles de dimensionnement des réseaux ne permettent donc pas à l’autoconsommation de réduire les coûts des réseaux en HTA. Ces méthodes font toutefois l’objet de travaux de modernisation de la part d’Enedis, et pourraient évoluer à l’avenir, notamment pour mieux intégrer les effets croisés des injections et des soutirages sur le dimensionnement des ouvrages de réseaux.

2. Enjeu pour le dimensionnement du réseau public de transport

Dans son schéma décennal de développement du réseau (SDDR) publié en 2019, RTE dédie un chapitre au développement de l’autoconsommation. Constatant que le modèle de l’autoconsommation oriente le déploiement du photovoltaïque vers de petites installations sur toiture dans des zones déjà desservies par les réseaux plutôt que vers de grandes centrales au sol, RTE prévoit que l’autoconsommation devrait avoir un impact marginal sur le dimensionnement du réseau de transport.

RTE rappelle que le profil de production des installations photovoltaïques ne permet pas de réduire significativement la puissance nette soutirée sur le réseau lors des heures les plus contraintes pour l’alimentation (notamment les heures de pointe en hiver), même en tenant compte des éventuels déplacements de consommations « flexibles » (eau chaude sanitaire, véhicule électrique, déplacement d’autres usages tels que chauffage, lave-linge, lave-vaisselle, etc) que les autoconsommateurs pourraient mettre en œuvre. Autrement dit, la modulation temporelle de la courbe de charge induite par la maximisation de l’autoproduction a un effet faible sur le dimensionnement du réseau de transport, et l’impact de l’autoconsommation sur le réseau de transport est donc principalement dû à la localisation de la production PV sur le territoire et non au fait même que cette production soit autoconsommée.

En effet, le principal bénéfice identifié par RTE consiste en des besoins d’adaptation des réseaux moindres par rapport à l’installation de capacités de productions similaires sans autoconsommation, car on sollicite le réseau déjà existant pour satisfaire la demande : même si l’accueil de la production PV sur toiture génère également des coûts d’adaptation sur les réseaux de répartition, ceux-ci sont réduits en moyenne de 70 % par rapport à l’accueil d’une production équivalente au sol. 

Même si son intégration au réseau existant est donc relativement peu coûteuse, le développement du PV sur toiture ne permet pas pour autant de réduire significativement le besoin d’adaptation du réseau pour l’alimentation des centres de consommation urbains.

En somme, la modification de la forme de la courbe de charge des autoconsommateurs n’impacte pas le dimensionnement du réseau de transport selon les analyses de RTE. En revanche, le fait d’avoir moins de réseaux à développer pour raccorder la production PV si celle-ci se déploie là où le réseau est déjà présent (toitures de logement en milieu urbain, mais également ombrières de parking, toitures de bâtiments agricoles en milieu rural…) en substitution des centrales dans des zones non desservies par le réseau permet de réaliser des gains.

RTE souligne toutefois que les économies pour le réseau de transport liés au développement du PV sur toiture restent secondaires par rapport aux autres enjeux pour le système électrique. En particulier, la substitution du photovoltaïque au sol par du photovoltaïque sur toiture pourrait générer un surcoût de l’ordre de 1,5 Md€ par an à l’horizon 2035 : le photovoltaïque sur petite toiture est en effet environ deux fois plus coûteux que le photovoltaïque au sol. 

Par ailleurs, d’autres enjeux sociétaux et environnementaux structurent le choix entre le photovoltaïque sur toiture et le photovoltaïque au sol. En matière environnementale, le développement de photovoltaïque sur toiture s’insère plus facilement dans le paysage, favorisant l’acceptabilité du développement de la filière. Les différences d’emprise au sol entre les scénarios testés par RTE se chiffrent ainsi à plusieurs dizaines de milliers d’hectares.

(1) Délibération de la CRE n°2018-115 du 7 juin 2018 portant décision sur la tarification de l’autoconsommation, et modification de la délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT

Autoconsommation et tarification des réseaux