L’accélération du déploiement des technologies intelligentes après l’accident de Fukushima du 11 mars 2011

Contenu mis à jour le 06/12/2020

Cette page a été rédigée par 

la Commission de régulation de l'énergie.

Historiquement, le Japon a été l’un des premiers pays à investir dans la recherche et le développement de réseaux intelligents. En 2003, l’Organisation de développement des technologies nouvelles et industrielles (NEDO) est créée et démarre plusieurs projets liés aux réseaux intelligents. Afin de réduire les émissions carbone des villes, le gouvernement a lancé le programme «EcoModel City» depuis 2008 en sélectionnant six villes offrant un panel diversifié de population, de géographie et d’industrie à l’instar de la ville industrielle Toyota ou d’une grande ville métropolitaine telle que Yokohama.

De nombreux projets de villes intelligentes au Japon sont axés sur le renouvellement des infrastructures sociales par les technologies de l’information et de la communication. L’introduction de réseaux intelligents est devenue une priorité le 11 mars 2011, suite à la pénurie d'électricité engendré par l'accident nucléaire de Fukushima. Le ministère de l'Énergie lance ainsi en 2014 le programme national de résilience de 7 milliards de dollars Destiné à financer pour trois ans des « projets de démonstration indépendants », visant notamment à développer la mobilité et le stockage, les véhicules électriques, les systèmes de production et de stockage d'énergie renouvelable et à optimiser l'efficacité énergétique

Couplée à un développement des énergies renouvelables favorisé par le tarif d’achat de 2012, la ville intelligente apparait alors comme la solution résolvant une gestion des espaces urbains jugée dysfonctionnelle, de plus en plus complexifiée et générant des externalités négatives. Au-delà de l’efficacité énergétique, l’adaptation des infrastructures apparait indispensable face à une nécessaire gestion du risque en cas de désastre, au remodelage de l’économie, à la réduction du recours au réseau électrique conventionnel et autres infrastructures critiques et au vieillissement de la population. Ces différents éléments renforcent ainsi l’importance du concept de communauté énergétique.

1. Les villes intelligentes, instrument de résilience national des réseaux

Les communautés intelligentes s’inscrivent notamment dans le cadre de la politique industrielle 5.0 et la « stratégie d'innovation énergétique » de 2016. Elles se caractérisent par la priorité donnée aux systèmes énergétiques intelligents et à la résilience aux catastrophes ; une approche « pangouvernementale » intégrée ; un large déploiement des systèmes d’énergie décentralisés basés sur les énergies renouvelables et les micro-réseaux intelligents, et enfin, un déploiement accéléré des technologies intelligentes en raison de la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011. En effet, dans le contexte post-Fukushima, l’importance du déploiement de ces technologies intelligentes s’est accrue afin que les villes puissent affronter les problèmes posés par un système de réseau national affaibli et faciliter le développement des énergies renouvelables. La récente libéralisation du marché, l’émergence des technologies de stockage et des technologies numériques ont transformé le paysage énergétique et ouvert de nombreuses opportunités pour le marché des réseaux intelligents, équilibrant ainsi demande et fourniture dans la communauté. Au Japon, l’initiative de Smart communities a été poussée par le gouvernement, orientée vers les communautés locales et pilotée en partie par les entreprises privées comme Toyota Motor ou encore IBM.

Le concept de Smart Community (Source : METI)

Dans le contexte urbain global (ou dans les zones rurales), la communauté intelligente peut désigner un groupe de résidences, d’installations, d’usines, de bâtiments commerciaux, ou une combinaison de ces différents éléments. Ces systèmes sont des réseaux qui comprennent les micro-réseaux électriques, le chauffage urbain et le refroidissement réseaux, et la gestion des systèmes énergétiques des maisons, bâtiments, usines et communautés (respectivement systèmes HEMS, BEMS, FEMS, CEMS). Les réseaux d'électricité et de chaleur optimisent l'utilisation efficace des ressources énergétiques distribuées comme le stockage solaire, éolien, de biomasse et de batteries. Ils incorporent également des dispositifs de stockage avancé de l'énergie, d’éclairage LED, de récupération de la chaleur perdue et autres infrastructures.

Le gouvernement a ainsi mis en place un programme national de résilience pour renforcer les capacités de secours en cas de désastre, conduisant au développement de plusieurs micro-réseaux dont la première communauté est celle de la ville de Higashi Matsushima. Comparé aux réseaux européens, ce choix des micro-réseaux s’explique notamment par la structure du réseau japonais. Comme indiqué précédemment, le Japon est un archipel qui ne dispose pas de connexion électrique ni de gaz, et n'a pas de réseau électrique national, le système reposant sur une logique d’autonomie régionale séparé en deux (l’une à 60 Hz, l’autre à 50 Hz). La construction de transformateurs et de liaisons de transmission, assez coûteux, nécessiterait plusieurs années de planification et de construction.

Les microgrids

Lire le dossier

Le développement des batteries de stockage pour les ménages et les entreprises vise à faciliter l’intégration de l’énergie photovoltaïque intermittente. Les batteries garantissent ainsi d’être alimenté, en cas de perturbation du réseau électrique centralisé en raison de séismes ou de typhons. L'objectif affiché était également de faire en sorte que les entreprises japonaises détiennent 50% du marché mondial des batteries d'ici 2020.
Le gouvernement japonais soutient le développement de ce secteur, avec un total prévu de 1,4 million d'unités en 2020 et de 5,3 millions en 2035. Ces objectifs risquent toutefois de ne pas être atteints en raison du coût élevé par unité (plus de 10 000 € en 2017).

2. Les compteurs intelligents, outil phare des villes intelligentes

Les compteurs électriques avancés (AMI, Advanced Metering Infrastructure) sont l’un des composants essentiels des villes intelligentes. Cette technologie se fonde sur une interface de communication qui relie le producteur, le gestionnaire et le client par l’envoi systématique d’informations « à double sens ». Le but de cette initiative est d'améliorer l'efficacité énergétique et d'aider les consommateurs à modifier leurs habitudes de consommation d'énergie. Un programme de cette envergure représente un marché important dans lequel les entreprises japonaises et taïwanaises sont les principaux acteurs. Suite à la libéralisation totale du marché de détail, le déploiement d’un nombre important de compteurs intelligents est prévu, le rythme d’installation des équipements s’étant même accéléré en 2019. En 2011, leur marché s'élevait au Japon à ¥1.12 billion (8 milliards d’euros), et devrait croître à ¥3.8 billion (28,4 milliards d’euros) d’ici 2020.

Le comptage évolué en électricité

Lire le dossier

L’architecture de communication des compteurs électriques évolués au Japon (Source : Tepco)

Le développement du système de compteurs intelligents est divisé en trois domaines principaux:

  1. le développement des compteurs;
  2. la construction du système de communication;
  3. la construction du système MDMS.

Un exemple de déploiement des compteurs, par Tepco

Tokyo Electric Power Company (TEPCO) est la plus grande entreprise d’électricité du Japon et dessert 45 millions de personnes dans la région de Kantō au Japon, qui comprend la ville de Tokyo. Plus de 20 millions de compteurs avancés et autres dispositifs intelligents ont déjà été installés par TEPCO. Une fois le projet achevé, le réseau IoT de l’utilitaire connectera près de 30 millions d’appareils grand public et de utilities utilisant diverses technologies de communication et la norme d’interopérabilité Wi-SUN pour la gestion de l’énergie domestique. Actuellement, le système fournit quotidiennement près d’un milliard de paquets de données, traités par le système de gestion de données de compteurs Gridstream de Landis + Gyr. Répondant à l'exigence voulant que le réseau fournisse une lecture de compteur de 30 minutes toutes les 30 minutes, le système de tête de réseau Gridstream a démontré sa capacité à gérer plus de 30 millions de compteurs évolués.

L’Internet des objets, au cœur des Smart grids

Lire le dossier

La zone de desserte de TEPCO (Source : Tepco)

Les compteurs intelligents ont une conception modulaire avec l'unité de mesure séparée des bornes électriques. Cela facilite le remplacement en toute sécurité de l'instrumentation sans avoir à manipuler des fils sous tension. Equipés en standard d'une fonctionnalité de mesure bidirectionnelle, cela évite d'installer un compteur séparé lorsque les clients produisent de l'électricité via des panneaux solaires achetés par le fournisseur. Tepco vise aujourd’hui à réduire les coûts en réduisant le nombre de pièces grâce à une nouvelle conception intégrant les unités de mesure et de communication.

Les compteurs intelligents peuvent utiliser diverses méthodes de communication telles que le réseau maillé RF, le réseau sans fil et la méthode PLC. Le choix de la méthode la plus appropriée pour chaque cas particulier permet un taux de couverture élevé et une expansion rapide dans de nouvelles zones.

Les modes de communication des compteurs intelligents installés par TEPCO (Source : TEPCO)

Les compteurs intelligents en gaz : l’exemple de Tokyogas

L'introduction de compteurs intelligents doit permettre de contribuer à une plus grande sécurité du réseau de pipelines, à la résilience aux catastrophes grâce à l'utilisation de la fonctionnalité d'arrêt à distance, ainsi qu'à favoriser la création de nouveaux services d'efficacité énergétique et de services qui utilisent des données d'utilisation du gaz obtenues à distance.

L’architecture de communication des compteurs évolués de gaz naturel déployés par Tokyogas (Source : Tokyogas)

Tokyo Gas développe des systèmes de compteurs intelligents de gaz comprenant des compteurs à ultrasons équipés de U-Bus, des réseaux sans fil étendus, des réseaux U-Bus Air et des systèmes centraux. Huit autres sociétés ont collaboré avec Tokyo Gas pour évaluer les spécifications techniques, créant des normes industrielles au Japon. Des travaux sont également en cours pour normaliser au niveau international :la norme IEEE802.15.4-2015 a ainsi été proposée en tant que spécification de communication pour U-Bus Air.

Quatre démonstrateurs de villes intelligentes au Japon